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31 mai 2012 4 31 /05 /mai /2012 17:00

Je ne m’étais jamais senti aussi heureux, aussi serein ; le ciel était d’un bleu d’azur, le soleil était éclatant, le paysage féérique ; des clairières, des bois, des collines, des lacs, des rivières et des chutes d’eau formant des arc-en-ciel, des vols de colombes et d’oies sauvages traversant l’horizon, des animaux de toutes sortes autour de nous : des écureuils, des cerfs et des biches qui ne se sauvaient pas à notre approche. Je croyais que j’étais mort et que j’étais arrivé au Paradis.

 

 

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Le Docteur Elmer m’accompagnait, allez savoir pourquoi, il avait gardé sa blouse blanche pour se promener avec moi.
« Sentez vous cet air pur ? » Lui demandai-je.
« Oui, mon ami, je le sens. » Me répondit-il d’un air désabusé.
« Et ce soleil et ce ciel bleu, n’est-ce pas magnifique ? »
« Oui, mon ami, c’est magnifique. » On aurait dit qu’il me répondait machinalement, sans vraiment prêter attention à ce que je lui disais.
Je tendis le doigt et un chardonneret vint s’y poser. « Bonjour, mon petit père. » Lui dis-je, en réponse, il se mit à siffloter de manière charmante.

 

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« Avez-vous vu, fis-je remarquer au Docteur Elmer, les animaux ne sont pas sauvages par ici. »
« En effet, ils semblent très familiers. » Répondit il sans même tourner le regard vers moi.
Nous traversâmes une nuée de papillons multicolores, ce qui provoqua en moi un intense sentiment d’exaltation. « Docteur ! M’exclamai-je, c’est magnifique ! »
« Qu’est-ce qui est magnifique, mon ami ? »
« Eh bien, ces papillons. »
« Ah oui, les papillons. » Répondit il d’un air distrait.

 

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Nous marchâmes encore un moment, nous escaladâmes une colline d’où nous dominions une vallée verdoyante. Je m’arrêtai pour admirer ce paysage qui semblait laisser le Docteur Elmer indifférent.
« Çà ne vous dérange pas si l’on s’assied ? » Lui proposai-je.
« Si çà peut vous faire plaisir. » Répondit-il.
Nous nous assîmes sur un rocher couvert de mousse et nous gardâmes le silence un moment. Je m’imprégnais de la beauté de ces lieux, je ne m’en lassais pas.
Soudain, il se passa quelque chose qui porta un grand choc à mon bonheur : le soleil se mit à grésiller et clignoter comme une ampoule en train de griller. L’obscurité totale s’abattait une fraction de seconde et la lumière revenait aussitôt. J’étais terrorisé, mais le Docteur gardait son calme.

 

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« Que se passe-t-il, Docteur ? Demandai-je, est-ce la fin du monde ? »
« Mais non, répondit -il, ce n’est qu’un mauvais contact, je vais arranger çà. »
Le Docteur prit un mouchoir, leva la main au ciel et se saisit du soleil, qui se révélait incroyablement proche, alors que je le croyais à 150 millions de kilomètres. Le Docteur semblait revisser le soleil dont la lumière se stabilisa.
« C’est bien ce qui me semblait, dit il, un mauvais contact. »
« Un mauvais contact ? » Demandai-je avec incompréhension.
Un mauvais contact, comment cela pouvait il être ? Comment peut il y avoir un mauvais contact dans le soleil ? J’étais complètement décontenancé. Le Docteur Elmer posa doucement sa main sur mon épaule et me dit : « Mon pauvre ami. »
Je me tournai vers lui et en le regardant dans les yeux, je lui demandai : « Dites moi la vérité, Docteur, je suis fou, n’est-ce pas ? »
« Je ne dirais pas les choses comme çà, répondit il, le concept de folie est vague et arbitraire. Vous souffrez d’une forme de schizophrénie. Vous savez ce qu’est la schizophrénie, n’est-ce pas ? »
« Bien sûr, je ne suis pas inculte à ce point là. Cela veut dire que ce paysage n’existe pas. »

 

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« Tout ce que vous voyez, tout ce que vous m’avez évoqué, le ciel bleu, le soleil, le paysage, les animaux, tout n’est que des hallucinations. Je suis le seul élément réel, vous m’avez intégré dedans, ainsi que la lumière de l’applique au dessus de votre lit, que vous avez interprétée comme celle du soleil.  Vous êtes en pleine crise, les hallucinations cesseront bientôt et vous reviendrez à la réalité. »
Je sentais qu’il allait ajouter quelque chose, mais au dernier moment il se tut.
« Ensuite ? Lui demandai-je, une fois que je serai revenu à la réalité, qu’est-ce qu’il m’arrivera ? »
Le Docteur respira profondément avant de répondre : « Ensuite, vous traverserez une phase de profonde dépression, vous serez complètement abattu à l’idée de retrouver la triviale et vulgaire réalité, comme vous l’appelez. Vous revenez d’un endroit idyllique et vous vous retrouvez dans cette chambre d’hôpital, çà vous déprime tellement que vous restez totalement inerte plusieurs jours d’affilée, au point où l’on doit vous nourrir par perfusions car vous ne réagissez même plus. »

 

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J’aurais aimé ne pas le croire, j’aurais aimé lui rire au nez, mais je savais qu’il disait vrai. Je regardai autour de moi ; le paysage magnifique, les forêts, les vallées et les collines verdoyantes, les lacs, les rivières, les chutes d’eau, les colombes et les oies sauvages traversant le ciel d’azur, les écureuils, les biches, les petits oiseaux, les papillons, tout était encore là, bien solide, bien consistant, bien réel. Çà ne donnait pas l’impression d’hallucinations, çà ne ressemblait pas à un rêve. Pourtant, je savais que cela disparaitrait bientôt, je versai une larme en faisant mes adieux à ce paradis, et en les rouvrant, je me retrouvai dans ma chambre d’hôpital, aux murs blancs et nus, avec l’applique que j’avais prise pour le soleil. Le Docteur Elmer était assis à côté de moi sur le lit. Je me tournai vers lui et il secoua la tête en silence, comme pour me dire de me pas m’inquiéter, que tout irait bien. Puis il se leva et me dit : « Je vais vous laisser maintenant, j’ai d’autres patients à visiter. »
« Faites donc, Docteur, répondis-je. »
Une fois qu’il fut sorti, j’éteignis la lumière et retrouvai le sourire ; j’étais à nouveau en haut de cette colline, assis sur la pierre couverte de mousse, mais il faisait nuit, et les vallées et les bois étaient éclairés par une Voie Lactée resplendissante qui déchirait le ciel, je vis une étoile filante, et je fis le vœu que tout cela fut réel.

 

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commentaires

A
<br /> Cela n'est pas réservé aux schizos ! Il me semble que nous avons tous le pouvoir de nous évader dans l'imaginaire ... <br /> <br /> <br /> Bon texte. A corriger dans la dernière phrase : pas de X à "voeu" ...<br /> <br /> <br /> Bye, Wolfram<br />
Répondre
W
<br /> <br /> Voila, c'est corrigé, M'dame !<br /> <br /> <br /> <br />

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