
Ô Toi le Grand Chat de Schrödinger qui es aux cieux
Enfermé dans ta grande boîte de l'éternité
Condamné à exister et ne pas exister à jamais
commenter cet article …
Ô Toi le Grand Chat de Schrödinger qui es aux cieux
Enfermé dans ta grande boîte de l'éternité
Condamné à exister et ne pas exister à jamais
Quand je fais la toilette de quelqu'un dans son lit, je me sens comme un prêtre égyptien en train d'embaumer un corps.
D'un foyer à l'autre, d'une scène à l'autre, j'assiste au drame humain universel, ce drame qui conte un voyage dont la destination est la mort.
Un méchant roi avait interdit tous les livres dans son royaume, il avait interdit de les lire et de les écrire. À peine était il arrivé au pouvoir, qu'il avait incendié toutes les bibliothèques et les librairies du pays, ainsi que tous les lieux où l'on trouvait des livres, comme les écoles et les monastères.
Il ne s'était pas arrêté là, car dans le même temps, il avait brûlé toutes les réserves de papier, incendié les ateliers où l'on en fabriquait et les échoppes où l'on en vendait. Il avait, bien évidemment, fait passer les porte-plumes au feu, et fait fondre toutes les plumes pour en forger des armes.
Il avait envoyé ses troupes saccager les magasins où l'on produisait de l'encre, les fioles de produits nécessaires à sa fabrication avaient été fracassées sur le sol, et des milliers de litres d'encre déversés dans le fleuve dont les eaux devinrent noires jusqu'au soir, c'est pourquoi l'on a appelé ce jour funeste où le Roi avait pris le pouvoir "le jour des eaux sombres", et lui-même, on l'avait surnommé "le Roi du Fleuve Noir".
La plupart des écrivains avaient été massacrés le jour-même, mais quelques uns s'étaient enfuis dans les montagnes alentours. N'ayant plus de papier ni de porte-plumes ni d'encre, ils durent composer leurs textes mentalement et les retenir, jusqu'au jour où ils pourraient écrire à nouveau.
Des années s'étaient passées, la tyrannie du Roi du Fleuve Noir s'appesantissait chaque jour, renforcée par l'ignorance du peuple à qui il avait à jamais interdit la connaissance.
Une légende disait que le jour funeste des eaux sombres, un vieil écrivain était parti dans la montagne, emmenant avec lui une fiole d'encre magique, ainsi qu'un cahier de papier vierge et un porte plume chaussé d'une plume d'acier neuve, magiques eux aussi, puis qu'il les avait dissimulés dans un creux entre les rochers et qu'il avait fermé avec une pierre plate.
Si cela était vrai, se disait on, on ne retrouvera jamais ces objets, la mousse a du recouvrir la cachette depuis longtemps, le papier a du être mangé par les vers, et la plume a du rouiller et tomber en poussière. Quant à l'encre, elle a du s'évaporer complètement, car nul bouchon n'est suffisamment étanche pour préserver un liquide tout ce temps.
Seulement, comme je le disais, il s'agissait d'objets magiques, il y avait donc une chance que la magie les eut gardés à l'état neuf, et que, même si bien cachés, ils se révèleraient un jour à quelqu'un.
Pendant ce temps, les écrivains cachés avaient accumulé des milliers et des milliers de mots et de phrases, et il leur tardait de les coucher par écrit avant qu'ils ne s'effacent de leur mémoire.
Or, il advint, ce jour où la magie devait révéler ces objets magiques à quelqu'un, et ce fut l'un de ces écrivains, que tout le monde reconnaissait habile à manier la langue et décrire le monde qui l'entourait.
Cet écrivain, dont l'histoire a oublié le nom, trouva la cachette des objets par hasard, alors qu'il se promenait dans la montagne et se récitait les dernières phrases du texte qu'il avait composé quelques jours auparavant, c'était un essai sur le sens de la vie, il me semble, mais cela n'a que peu d'importance.
Les objets étaient toujours là où les avait placés le vieil écrivain, quelques décennies auparavant, et qui, assurément, devait être mort depuis.
Mais les objets étaient intactes, comme au premier jour, les pages vierges, contenues dans un cahier à la couverture de velours chamarré, étaient d'un vélin des plus raffinés et d'une blancheur quasi-aveuglante.
La fiole d'encre, elle, dont le goulot avait été scellé à la cire, contenait une encre du noir le plus pur et le plus intense.
Le porte-plume était en ivoire finement ouvragé, quant à la plume, elle était d'un acier bleuté et scintillant, comme une arme destinée à infliger de cruelles blessures.
L'écrivain les avait dissimulés sous son manteau et s'était hâté de retourner chez lui, avec la crainte que les vigiles du Roi ne l'arrêtent pour le fouiller.
Une fois en sûreté, il s'installa à sa table de travail, ouvrit le cahier à la première page, trempa la plume dans la fiole d'encre et se mit à écrire.
Rien ne pouvait l'arrêter, il écrivit, écrivit sans répit et ne tarda pas à remplir le cahier, mais il ne cessa d'écrire pour autant, car les mots sortaient du cahier, libérant de nouvelles pages à mesure qu'il écrivait, pour ce qui était de l'encre, elle ne s'épuisait pas, elle sortait de la fiole magique qui restait toujours pleine.
Et les mots et les phrases se répandaient autour de lui à travers toute sa demeure sans qu'il ne s'en rende compte, ils passèrent sous la porte et s'écoulèrent dans la rue en un flot continu qui se divisa en ruisseaux qui pénétraient sous les portes des demeures, et les habitants puisèrent dans ses ruisseaux la connaissance et la mémoire qu'on leur avait confisquées.
Bientôt, le royaume tout entier fut quadrillé de myriades de petits ruisseaux qui traversaient les âmes, et dont la source se situait dans la maison de l'écrivain, toujours assis à sa table, toujours en train d'écrire, totalement inconscient de se qui se passait en ce moment même à l'extérieur, et de ce qu'il avait déclenché. Il baignait dans l'encre jusqu'à la poitrine, mais il ne semblait pas le remarquer, et il continuait imperturbablement à écrire.
Et il écrivit encore des jours et des jours sans même s'arrêter un instant. Pourtant, il finit bien par s'arrêter un jour, il rédigea alors la conclusion de son texte, son très long texte sur le sens de la vie, ou quelque chose de ce genre, il inscrivit les lettres du mot fin au bas de la dernière page puis il referma le cahier.
Alors le fleuve d'encre cessa de couler, les myriades de ruisseaux qui traversaient le royaume se réunirent en un seul cours d'eau, puis la masse d'encre noire écumante se précipita sur le palais du Roi et l'emporta comme elle eût emporté un château de sable.
Ainsi périt le Roi du Fleuve Noir, suffoqué par cette connaissance dont il avait si longtemps privé les autres, et le fleuve d'encre l'emmena loin, très loin vers l'oubli, là d'où il n'aurait jamais du sortir.
Je te consacre mon chagrin, mon inconsolable, mon insoutenable chagrin.
Je te consacre tous mes remords, tous mes regrets, tous ces moments que je n'ai pas su apprécier.
Je ne ressens plus le besoin d'exprimer ma souffrance.
J'ai l'air serein, mais derrière ce visage souriant, c'est un Pandæmonium
C'est l'Apocalypse
C'est l'Armageddon
C'est le Jugement Dernier
C'est le Lac de Feu qui déborde
Je te recherche dans le bleu du ciel
Je te recherche dans les nuages
Je te recherche dans l'éclat du soleil
Je te recherche dans le clair de lune
Je te recherche dans la lueur des étoiles
Je te recherche de jour comme de nuit
Je te recherche partout
Je te recherche dans les fleurs
Je te recherche dans les arbres
Je te recherche dans le chant des oiseaux
Je te recherche dans ce qu'il y a de plus beau
Car c'est là que je te retrouverai
Que la paix et la miséricorde de Dieu soient sur vous à ma droite
Que la paix et la miséricorde de Dieu soient sur vous à ma gauche
Ainsi que sa bénédiction
Salut à l'est, salut à l'ouest,
Salut à toutes les directions
Salut à tous les plans de l'existence
Si j'étais Orphée et que tu étais Eurydice, je n'attendrais pas que tu sois morte pour descendre auprès d'Hadès et le supplier de te rendre. J'irais le voir avant et je lui demanderais de te laisser auprès de moi, et s'il fixe comme condition de ne plus jamais te voir, je me crèverais volontiers les yeux, plutôt vivre à jamais dans les ténèbres avec toi qu'en pleine lumière sans toi.
Une génération passait, peut être deux avant que n'apparaissent au nord les premières glaces, il fallait alors partir.
C'est pour cela que l'on ne construisait pas de maisons, car on devait tout abandonner derrière soi pour fuir le froid, ce froid qui gagnait plus terrain avec le temps.
On allait se réfugier au sud, toujours plus au sud, il semblait que le monde n'avait pas de fin, on descendait vers le sud depuis des générations et des générations, et il y avait toujours des terres et des mers à traverser.
On se demandait avec angoisse ce qui se passerait le jour où l'on serait acculé aux limites du monde, ne pouvant plus fuir nulle part, avec ce froid qui se précipitait sur nous comme une bête sauvage.
Heureusement, le froid cessa d'avancer un jour, il commença même à reculer par endroits. L'espoir revint dans le cœur des hommes qui n'étaient plus qu'une centaine.
Les générations passèrent, cette centaine d'hommes et de femmes croissèrent et multiplièrent si bien qu'à la fin ils furent des milliers, puis des dizaines de milliers et des myriades qui peuplèrent toute la terre.
Malheureusement, à cause des unions consanguines auxquelles les avait contraints le sort, les hommes dégénérèrent, leurs capacités s'amoindrirent et leur intelligence diminua considérablement. Si le froid n'avait décimé leurs ancêtres, qui sait quels génies ils seraient devenus ?