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21 avril 2019 7 21 /04 /avril /2019 08:48

Un méchant roi avait interdit tous les livres dans son royaume, il avait interdit de les lire et de les écrire. À peine était il arrivé au pouvoir, qu'il avait incendié toutes les bibliothèques et les librairies du pays, ainsi que tous les lieux où l'on trouvait des livres, comme les écoles et les monastères.

 

 

Il ne s'était pas arrêté là, car dans le même temps, il avait brûlé toutes les réserves de papier, incendié les ateliers où l'on en fabriquait et les échoppes où l'on en vendait. Il avait, bien évidemment, fait passer les porte-plumes au feu, et fait fondre toutes les plumes pour en forger des armes.

Il avait envoyé ses troupes saccager les magasins où l'on produisait de l'encre, les fioles de produits nécessaires à sa fabrication avaient été fracassées sur le sol, et des milliers de litres d'encre déversés dans le fleuve dont les eaux devinrent noires jusqu'au soir, c'est pourquoi l'on a appelé ce jour funeste où le Roi avait pris le pouvoir "le jour des eaux sombres", et lui-même, on l'avait surnommé "le Roi du Fleuve Noir".

La plupart des écrivains avaient été massacrés le jour-même, mais quelques uns s'étaient enfuis dans les montagnes alentours. N'ayant plus de papier ni de porte-plumes ni d'encre, ils durent composer leurs textes mentalement et les retenir, jusqu'au jour où ils pourraient écrire à nouveau.

Des années s'étaient passées, la tyrannie du Roi du Fleuve Noir s'appesantissait chaque jour, renforcée par l'ignorance du peuple à qui il avait à jamais interdit la connaissance.

 

 

Une légende disait que le jour funeste des eaux sombres, un vieil écrivain était parti dans la montagne, emmenant avec lui une fiole d'encre magique, ainsi qu'un cahier de papier vierge et un porte plume chaussé d'une plume d'acier neuve, magiques eux aussi, puis qu'il les avait dissimulés dans un creux entre les rochers et qu'il avait fermé avec une pierre plate.

Si cela était vrai, se disait on, on ne retrouvera jamais ces objets, la mousse a du recouvrir la cachette depuis longtemps, le papier a du être mangé par les vers, et la plume a du rouiller et tomber en poussière. Quant à l'encre, elle a du s'évaporer complètement, car nul bouchon n'est suffisamment étanche pour préserver un liquide tout ce temps.

Seulement, comme je le disais, il s'agissait d'objets magiques, il y avait donc une chance que la magie les eut gardés à l'état neuf, et que, même si bien cachés, ils se révèleraient un jour à quelqu'un.

Pendant ce temps, les écrivains cachés avaient accumulé des milliers et des milliers de mots et de phrases, et il leur tardait de les coucher par écrit avant qu'ils ne s'effacent de leur mémoire.

Or, il advint, ce jour où la magie devait révéler ces objets magiques à quelqu'un, et ce fut l'un de ces écrivains, que tout le monde reconnaissait habile à manier la langue et décrire le monde qui l'entourait.

 

 

Cet écrivain, dont l'histoire a oublié le nom, trouva la cachette des objets par hasard, alors qu'il se promenait dans la montagne et se récitait les dernières phrases du texte qu'il avait composé quelques jours auparavant, c'était un essai sur le sens de la vie, il me semble, mais cela n'a que peu d'importance.

Les objets étaient toujours là où les avait placés le vieil écrivain, quelques décennies auparavant, et qui, assurément, devait être mort depuis.

Mais les objets étaient intactes, comme au premier jour, les pages vierges, contenues dans un cahier à la couverture de velours chamarré, étaient d'un vélin des plus raffinés et d'une blancheur quasi-aveuglante.

La fiole d'encre, elle, dont le goulot avait été scellé à la cire, contenait une encre du noir le plus pur et le plus intense.

Le porte-plume était en ivoire finement ouvragé, quant à la plume, elle était d'un acier bleuté et scintillant, comme une arme destinée à infliger de cruelles blessures.

L'écrivain les avait dissimulés sous son manteau et s'était hâté de retourner chez lui, avec la crainte que les vigiles du Roi ne l'arrêtent pour le fouiller.

Une fois en sûreté, il s'installa à sa table de travail, ouvrit le cahier à la première page, trempa la plume dans la fiole d'encre et se mit à écrire.

Rien ne pouvait l'arrêter, il écrivit, écrivit sans répit et ne tarda pas à remplir le cahier, mais il ne cessa d'écrire pour autant, car les mots sortaient du cahier, libérant de nouvelles pages à mesure qu'il écrivait, pour ce qui était de l'encre, elle ne s'épuisait pas, elle sortait de la fiole magique qui restait toujours pleine.

Et les mots et les phrases se répandaient autour de lui à travers toute sa demeure sans qu'il ne s'en rende compte, ils passèrent sous la porte et s'écoulèrent dans la rue en un flot continu qui se divisa en ruisseaux qui pénétraient sous les portes des demeures, et les habitants puisèrent dans ses ruisseaux la connaissance et la mémoire qu'on leur avait confisquées.

Bientôt, le royaume tout entier fut quadrillé de myriades de petits ruisseaux qui traversaient les âmes, et dont la source se situait dans la maison de l'écrivain, toujours assis à sa table, toujours en train d'écrire, totalement inconscient de se qui se passait en ce moment même à l'extérieur, et de ce qu'il avait déclenché. Il baignait dans l'encre jusqu'à la poitrine, mais il ne semblait pas le remarquer, et il continuait imperturbablement à écrire.

Et il écrivit encore des jours et des jours sans même s'arrêter un instant. Pourtant, il finit bien par s'arrêter un jour, il rédigea alors la conclusion de son texte, son très long texte sur le sens de la vie, ou quelque chose de ce genre, il inscrivit les lettres du mot fin au bas de la dernière page puis il referma le cahier.

Alors le fleuve d'encre cessa de couler, les myriades de ruisseaux qui traversaient le royaume se réunirent en un seul cours d'eau, puis la masse d'encre noire écumante se précipita sur le palais du Roi et l'emporta comme elle eût emporté un château de sable.

Ainsi périt le Roi du Fleuve Noir, suffoqué par cette connaissance dont il avait si longtemps privé les autres, et le fleuve d'encre l'emmena loin, très loin vers l'oubli, là d'où il n'aurait jamais du sortir.

 

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1 décembre 2016 4 01 /12 /décembre /2016 12:40

Cuba - La Havane

 


Un terrible incendie s’était déclaré dans ancien hôtel colonial, les pompiers avaient réussi à en sortir tous les habitants, mais ils ignoraient que la petite Juanita était coincée dans les combles, où elle s’était cachée pour jouer.
Terrorisée, la pauvre enfant hurlait et sanglotait sans que personne ne l’entende, les flammes l’entouraient et elle commençait à suffoquer.
Soudain, un homme habillé de blanc sortit du feu, lui sourit et la prit dans ses bras. Il lui dit quelques mots rassurants à l’oreille d’une voix douce, elle se blottit contre sa poitrine et ensemble, ils traversèrent la barrière de flammes sans se brûler.
Ils se retrouvèrent tous les deux dans une rue sombre, à quelques pas du bâtiment en flammes, l’étranger posa la petite fille par terre, lui fit un signe amical et s’envola dans le ciel comme un ange.

 


L'arrêt de  mort


Morillon monta dignement les marches de l’échafaud, d’un pas tranquille et assuré, se tenant droit, un léger sourire aux lèvres. Quant à Ménuin qui ne tenait pas debout, il dut être trainé comme un sac de patates.
Arrivés sur l’estrade, il se retrouvèrent face à un officier galitien en uniforme d’apparat, c’était un homme noir ressemblant à un africain, ses traits étaient durs et son expression sévère. Il sortit un papier de sa poche, le déplia et leur fit lecture de leur arrêt de mort à voix haute :
"Etienne Morillon, connu sous le nom d’Isar, ex gouverneur général de la Terre et Grégoire Morillon, journaliste, vous avez été condamnés à la peine de mort pour sédition et haute trahison. Que justice soit rendue !"
Puis il replia le papier, le remit dans sa poche et fit signe au bourreau de commencer.

 

 

Aux environs de Moscou

 


Alexeï venait d’avoir un terrible accident de voiture sur une route de campagne. Un chauffard lui était rentré dedans et avait été tué sur le coup. Lui, était simplement étourdi, en reprenant conscience, il s’aperçut que sa voiture était en feu. Il détacha sa ceinture et voulut sortir, mais la portière était bloquée. Il frappa la vite de ses poings sans parvenir à la briser.
Soudain, tout s’immobilisa autour de lui, les flammes se figèrent, un homme en combinaison blanche s’approcha de son véhicule qui arracha la portière d’une main, sans plus d’effort que si elle eut été en papier, et aida Alexeï à descendre.
Ils s’éloignèrent de la voiture tandis que le temps reprenait son cours. La voiture explosa dans un vacarme assourdissant et quand Alexeï se retourna pour remercier l’étranger, celui-ci avait disparu.

 

 

Les Séraphim


Le bourreau s'approcha lentement de Morillon, qui l’attendait avec un sourire confiant, et au moment où il allait poser la main sur lui, une lueur aveuglante envahit l'ensemble de la scène, puissante au point d‘estomper la lumière du jour. On aurait dit l’éclair d’une explosion atomique, d'ailleurs, ce fut ce que tout le monde crut sur le moment.
La lumière baissa d’intensité, alors tous purent voir une immense soucoupe volante descendre du ciel et s’arrêter au dessus de la foule. Elle ressemblait aux fausses soucoupes des galitiens, mais elle  mais elle était bien plus grande et bien plus imposante que toutes celles qu'ils avaient construites pour duper les terriens.

 


Cette apparition provoqua la terreur et un irrépressible mouvement de  panique qui, heureusement, ne dura pas, car l’immense soucoupe volante avait émis un agréable murmure qui calma instantanément la foule.
Du haut de sa tribune, Ochonios s’écria :
"Quelle est cette plaisanterie ?"
Malgré sa nausée, Ménuin retrouva ses esprits et jeta un regard interrogateur à Morillon, dont le visage était illuminé d’un sourire extatique.
Une ouverture se forma dans la coque de la soucoupe et un homme à l’aspect étrange en sortit : grand, svelte, un visage allongé, les yeux d’un bleu intense et de longs cheveux blonds lui tombant dans le dos.
Il était vêtu d’une combinaison blanche, avec le symbole Isarien sur la poitrine :  l'étoile de David insérée dans un triangle.

 


Le nouveau venu, qui flottait debout dans l’air, descendit doucement devant Morillon, dont les liens tombèrent tout seuls de ses mains. Puis l'étranger le prit dans ses bras en lui disant :
"Isar, mon ami, mon frère ! Qu’il est bon de te revoir !"
"Eluel, mon frère !" répondit Morillon en l’étreignant.

 


Il y eut un grand silence - les yeux se tournèrent vers Ochonios, appuyé sur la rambarde de sa tribune. Observant la scène d’un air incrédule, il attrapa l’archaïque micro installé devant lui et s'écria :
"J’exige des explications, qui êtes vous ?"
L'étranger vêtu de blanc se remit à flotter dans l’air jusqu'à sa hauteur et lui répondit :
"Nous sommes les Séraphim, nous venons d’un monde situé dans le Petit Nuage de Magellan, notre civilisation est très ancienne, plus ancienne que la vôtre même. Il y a de cela des éons, nous avons ensemencé cette galaxie, nous avons terra-formé ce monde ainsi que le vôtre et tous ceux que vous avez colonisés, nous y avons apporté la vie ; les animaux, les plantes, et vous, les hommes, que nous avons créés en laboratoire à notre image.
Vous êtes tous nos enfants, cela est une vérité que nous avions chargé le Saint Prophète Isar de révéler à ses semblables. Nous avions promis de revenir un jour et d’amener l’âge d’or sur la terre. Normalement, nous aurions du attendre encore un peu, mais nous avons reçu des messages télépathiques de détresse nous disant que la terre étaient aux mains d’imposteurs se faisant passer pour nous. Nous sommes donc venus, et nous vous demandons de quitter ce monde."
"Quel culot !" protesta Ochonios, "je vais vous apprendre à vous moquer d’un prince de Galita !"
Il sortit un mousquet à plasma de sa ceinture et tira à bout portant sur l’étranger. La décharge qui aurait du le réduire en miettes, fut comme absorbée dans sa poitrine et ressortit par ses yeux, sous la forme de deux fins rayons incandescents visant l’arme d'Ochonios.

 


Ce dernier poussa un cri en lâchant son mousquet devenu brûlant. En se tenant le poignet, il se mit à insulter l'étranger impassible qui se tourna vers la foule et déclara :
"Peuples de la terre ! Pendant des années, notre Envoyé, le Prophète Isar vous a annoncé notre venue, mais vous ne l’avez pas cru. Ensuite, sont venus ces imposteurs (il désigna Ochonios du doigt), ils se sont fait passer pour nous et ils ont utilisé Isar et son église pour vous envahir. Ici se termine le règne du mensonge, vous êtes désormais sous notre protection."
Ochonios lui cria :
"Pour qui vous prenez vous ? Quittez immédiatement ce monde ou je lance mes troupes contre vous !"
En l'ignorant, Eluel leva la main, une lumière s’alluma au sommet de sa soucoupe volante et Ochonios, ainsi que tous les galitiens présents sur la terre, et leurs vaisseaux spatiaux se désintégrèrent, ou du moins le sembla-t-il. En réalité, ils furent téléportés sur le Galitana, toujours en train de dériver dans la ceinture d’astéroïdes.
À bord de l'immense vaisseau taillé dans la pierre, les lumières se rallumèrent, les moteurs, le système de gravité artificielle, le champ d’inertie se remirent à fonctionner.
Puis le Galitana s’ébranla et se mit en route de lui-même vers Galita, sans que personne à bord ne puisse en contrôler la course.
La terre était libérée des imposteurs, les véritables créateurs et sauveurs de l’humanité étaient là, enfin, après une longue attente qui avait commencé dans la plus lointaine préhistoire.

Un calme serein s'installa sur toute la terre, des cris de joie commençaient à jaillir dans la foule qui commençait à comprendre ce qui s'était passé, tandis que les notables terriens qui s'étaient tenus au côté des galitiens dans la tribune des gradins tentaient de fuir. Ils furent rattrapés par une foule courroucée qui s'apprêtait à les lyncher,  Morillon les interpella :

"Laissez ces gens tranquilles !" ordonna-t-il, "aujourd'hui est un jour de pardon, non de vengeance."

La foule relâcha les fuyards qui s'agenouillèrent devant lui en implorant son pardon et en le remerciant pour sa miséricorde.

Eluel hocha la tête en signe d'approbation, il vola comme un feu follet jusqu'à sa soucoupe, et avant de retourner à l'intérieur, il fit un signe de la main à Morillon qui le lui rendit.

Le vaisseau monta dans le ciel sans un bruit tandis que Ménuin le regardait le s'éloigner  :
"Donc, vous aviez toujours dit la vérité." dit il en matière de conclusion.
"Eh oui..." répondit laconiquement Morillon.
"Vous aviez pourtant laissé entendre que vous aviez menti."
"C’était un stratagème que nous avions mis au point, Spark et moi, afin d’endormir la méfiance des galitiens.
Nous avons uni nos efforts, avec une poignée de fidèles triés sur le volet, pour contacter nos amis par télépathie. Il fallait être discret, si les galitiens s’étaient aperçu de quelque chose, les choses auraient mal tourné. Heureusement qu'ils n'étaient pas doués de télépathie."
"Je dois avouer une chose, Morillon, enfin, Isar."
"Oui ?"
"Vous me trouez le cul !"
Il n’y avait pas que Ménuin à qui la tournure des choses "trouait le cul", la foule sur la place de l’Hôtel de Ville, la terre entière qui assistait à la retransmission de l’évènement avait aussi le "cul troué". C’était le plus grand "trouage de cul" de l’Histoire.
Isar prit Ménuin par l’épaule en riant et lui dit :
"Venez, Grégoire, vous m’avez bien soutenu durant ces épreuves, vous resterez à mes côtés, si vous le voulez bien ?"
"Ma foi," répondit Ménuin, "je crois que le monde n’aura plus tellement besoin de journalistes, maintenant."
"Au contraire, nous allons en avoir besoin plus que jamais, pour parler aux gens, pour les rassurer et leur redonner confiance après tous ces mensonges. Il faudra leur faire comprendre que le véritable Âge d’Or est arrivé."
Ménuin contemplait le visage de Morillon et il se prit à sourire, à sourire comme il n’avait jamais souri. Il se sentait intensément, incroyablement heureux. Il n’aurait jamais imaginé que l’on puisse se sentir aussi heureux.

 

FIN

 

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29 novembre 2016 2 29 /11 /novembre /2016 08:35

La ceinture d’astéroïdes

 

 

À bord du Galitana, tout le monde était sur le pied de guerre depuis l’annonce de l’attentat contre Pandital, et encore plus depuis sa mort. Ils s’apprêtaient à mettre le vaisseau en route vers la terre, ils n'attendaient que le signal d’Ochonios.
Soudain, une enseigne signala une activité anormale aux limites de l’héliosphère. On ne pouvait pas encore distinguer ce que c’était, mais quoi que ce fut, c’était gigantesque. Un astéroïde géant, une planète éjectée de son orbite, autre chose ?
Le lieutenant Dore, l'androïde officier scientifique, interpella le capitaine Épatil :
"Monsieur, nous avons un contact visuel."
"Sur écran !" ordonna le capitaine.
Tous les membres de la passerelle eurent le souffle coupé en voyant une armada de gigantesques vaisseaux spatiaux étrangers, escortés par des milliers de soucoupes volantes argentées faisant route vers le centre du système solaire. Ils étaient encore au niveau de la ceinture de Kuiper, mais ils progressaient rapidement.
La technologie de ces étrangers semblait bien plus évoluée que la leur. Ils n’arrivaient pas à scanner leurs bâtiments, tandis qu’eux scannaient le leur avec aisance, détaillant chaque objet et chaque organisme se trouvant à son bord.
"Alerte rouge !" s’écria le capitaine.
"Déployez le bouclier, armez les torpilles !" ordonna Skop l’officier de la sécurité.
"Bien," dit le commandant, "nous sommes prêts à toute éventualité. Ouvrez une fréquence avec les étrangers."
Un homme revêtu de blanc apparut sur l’écran, avec un triangle et une étoile de David insérée dedans brodée sur la poitrine, la taille svelte, un visage allongé, les yeux d’un bleu intense et de longs cheveux blonds lui tombant dans le dos. Le commandant du Galitana se présenta :
"Je suis le capitaine Épatil du vaisseau Galitana, veuillez vous identifier."
L’étranger répondit d’une voix pleine de douceur :
"Mon nom est Eluel, du peuple des Séraphim, nous venons d'une planète située dans le petit nuage de Magellan. Nous venons secourir la terre. Veuillez retourner dans votre système solaire, vous n’avez rien à faire dans celui-ci."
Le capitaine Épatil passa sa main en travers de sa gorge, ce qui veut dire la même chose sur Galita que sur la terre : "Coupez la communication."
Il ouvrit une fréquence avec la terre pour avertir Ochonios, mais ce dernier n’était pas disponible ; il était en train d’assister à l’exécution de Morillon et de Ménuin et il ne fallait surtout pas le déranger. Épatil rétablit la communication avec Eluel, et il lui dit :
"Eluel, veuillez faire demi-tour, ou nous devrons ouvrir le feu."
Eluel resta impassible, il ne prit même pas la peine de répondre. Les vaisseaux titanesques continuaient leur avancée, ils avaient dépassé l'orbite de Neptune et ils s’approchaient de plus en plus.

 


Le capitaine Épatil lança d’un ton grave :
"Eluel, ceci est ma dernière sommation, faites demi-tour ou nous ouvrons le feu !"
Épatil était un homme sage, diplomate de vocation, et il détestait en arriver au conflit armé. Mais comme il avait fait serment de loyauté à ses seigneurs, il était contraint d’agir ainsi. Il répéta sa "dernière sommation" cinq fois avant de s’écrier :
"Feu !"
Des torpilles photoniques jaillirent du Galitana et se heurtèrent à un impénétrable bouclier invisible qui entourait l’armada des Séraphim. Ceux-ci continuaient inexorablement, imperturbablement leur avancée. Épatil lança toutes les munitions que recélait le vaisseau, en vain, alors il se résolut à lancer le Galitana lui-même sur la flotte ennemie dans un dérisoire assaut-suicide.
Mais il n'en eut pas le temps, car les lumières s’éteignirent brusquement, les moteurs tombèrent en panne, ainsi que les champs de gravité artificielle et les champs d’inertie. Les objets et les hommes se mirent à flotter dans l’obscurité totale. Il n’y avait plus que les systèmes vitaux qui fonctionnaient encore, l’alimentation en oxygène , la "ceinture de Van Allen" artificielle, les synthétiseurs de nourriture ainsi que les équipements médicaux, grâce à un système de sabotage discriminatoire.
La flotte d’Eluel passa aux côtés du Galitana réduit à l’impuissance, et qui dérivait erratiquement entre Mars et Jupiter.

 


La guillotine


On aurait pu dire que c’était la fin ; Ochonios était devenu le souverain de la terre, et les belles doctrines de l’Isarisme étaient oubliées. Il avait décidé de mettre un terme à cette ridicule comédie d'extraterrestres divins en se faisant appeler par son vrai nom et en ne cachant plus ses origines. Il s'était fait intrôniser Roi de la Terre sous le nom d'Ochonios 1er.
Désormais, il se montrait tel qu’il était ; un jeune aristocrate tyrannique et arrogant qui réorganisait ce monde à son goût.
Il avait programmé la double exécution de Morillon et de Ménuin en premier, elle devait avoir lieu place de l’Hôtel de Ville à Paris, devant les caméras du monde entier, les autres suivraient selon leur degré d'implication dans le complot dont il se disait l'objet
On avait installé des gradins, au premier rang, une tribune spécialement aménagée était réservée à Ochonios qui, tel un empereur romain et sa cour dans un cirque antique, était entouré de nobles galitiens qu'il avait conviés à l'évènement, ainsi que des notables terriens qui n'avaient aucun scrupule à collaborer avec l'occupant. Ainsi, dans une ambiance mondaine, ils allaient assister avec lui à la mort de ses ennemis.
Une guillotine était dressée sur une estrade, on y accédait par une dizaine de marches en bois, celles que monteraient bientôt Morillon et Ménuin.

 

 


Océan indien

 

Au large des côtes indonésiennes, une tempête se préparait. Les galitiens avaient établi un contrôle climatique assez efficace, ayant l’avantage de réduire la fréquence et l’ampleur des intempéries, mais ne pouvant les supprimer complètement.
Bien que les tempêtes fussent devenues plus rares, certaines étaient encore imprévisibles, comme celle qui se précisait dans le ciel avec une inquiétante accumulation de nuages noirs.
Heureusement, on avait eu le temps de donner l'alerte pour que les bateaux de la région rejoignent le port le plus proche et que les autres restent à quai. Il n’y avait qu’un petit esquif transportant de la drogue et des
armes qui rôdait par là malgré le danger, s’efforçant de gagner les côtes de l’Indonésie pour fuir les autorités.


Malgré le système de "société sans argent", il y avait toujours des pirates et des contrebandiers pour faire le trafique de produits illicites comme la drogue, l’alcool, le tabac, les armes ou l’or. En effet, la plupart des humains avaient gardé leur attrait pour ces choses et pour les richesses qu’elles rapportaient, même si officiellement elles ne valaient plus rien.
Beaucoup se disaient que la "société sans argent" ne durerait pas et qu’il valait mieux se préparer à son retour. De toute façon, avec la mort de Pandital et la prise en main des affaires par Ochonios, çà en prenait le chemin.
La paix universelle était en train de vaciller - ces derniers temps, les conflits locaux qui s'étaient éteints se ranimaient, les anciens chefs d'état et les anciens chefs religieux, qui commençaient à retrouver un peu de leur autorité, avaient formé des mouvements de résistance un peu partout dans le monde. L'armée d'Ochonios qui avait fusionné avec celle de Pandital, devait mater de plus en plus de rébellions.

 

Les pirates étaient six, le capitaine était chinois, il y avait trois malais, un indonésien et un allemand. Ils communiquaient entre eux dans la langue de leur capitaine, le chinois mandarin, et parfois en anglais.
Ce jour là, chacun poussa des exclamations dans sa langue natale en voyant la tempête s’approcher d’eux. Ils n’eurent pas le temps d’abaisser la voile que le bateau se retrouva dans un tourbillon effroyable et se coucha sur l’eau. Les hommes furent entrainés par les flots sans pouvoir se retenir à quoi que ce fut, ils étaient condamnés à une noyade certaine.

 


Soudain, la scène se figea littéralement, les vagues s’immobilisèrent, comme si elles avaient été instantanément gelées, le vent tomba d’un seul coup et le temps sembla s'arrêter.
Les six hommes flottaient doucement, l’eau avait pris la texture d’une épaisse gelée dans laquelle ils ne s’enfonçaient pas. Puis une lumière aveuglante perça les nuages, accompagnée d’un doux sifflement qui s’amplifia au point de devenir insupportable.
Alors ce fut le silence, la lumière baissa d’intensité et ils purent distinguer une gigantesque soucoupe volante flottant au dessus des flots, elle ne ressemblait en rien aux appareils des galitiens, même aux fausses soucoupes volantes qu'ils utilisaient au début, quand il se faisaient passer pour des Séraphim, celle ci était bien plus grande que toutes celles qu'ils avaient déjà vues.
Une ouverture se forma dans la coque de l’appareil, une silhouette en sortit, c’était un homme, ou du moins une créature y ressemblant, les traits à la fois étrangers et familiers, vêtu d’une combinaison blanche. Il flottait dans l’air en position debout, comme en lévitation.
Il pencha la tête pour regarder les hommes, fit un geste, alors ils se retrouvèrent hissés vers le haut par une force invisible et furent amenés à l’intérieur de la soucoupe volante.
Ils se retrouvèrent dans une salle blanche complètement vide, l’étranger était avec eux, il leur parla et chacun l’entendit s’exprimer dans sa propre langue, qui en chinois, qui en malais, qui en indonésien, qui en allemand. Il leur dit :
"N’ayez crainte, nous sommes venus à votre secours."
Les hommes crurent qu’il parlait d’eux en particulier et ils ne se posèrent pas plus de question. Sur leur demande, l’étranger les déposa à Kuala Lumpur et il s’éloigna dans son immense soucoupe volante argentée.

 


L'exécution

 


En France, la dernière exécution a eu lieu à Marseille, aux Baumettes, c’était celle d’Hamida Djandoubi, le 10 septembre 1977. Comme chacun sait, la peine de mort a été abolie en 1981, elle a été rétablie par Ochonios.
Debout dans sa tribune, en tenue martiale d’aristocrate galitien, il rappelait les dictateurs du passé terrestre. Morillon et Ménuin furent amenés en camionnette, les mains liées derrière le dos et brutalement poussés dans l’escalier menant à l’échafaud.
Ménuin était malade, il était tout blanc et vomissait presque à chaque pas. Il n’avait même pas la force de résister. Quant à Morillon, il semblait étrangement calme et serein.

 

 

<< Chapitre 4 - Chapitre 6 >>

 

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29 novembre 2016 2 29 /11 /novembre /2016 06:49

 

Les envahisseurs : ces êtres étranges venus d'une autre planète. Leur destination : la Terre. Leur but : en faire leur univers.


Les invités arrivaient les uns après les autres, pendant la diffusion du générique des "Envahisseurs" sur l’écran géant du Home-Cinema de Ménuin, dans sa villa du Touquet.


David Vincent les a vus. Pour lui, tout a commencé par une nuit sombre, le long d'une route solitaire de campagne, alors qu'il cherchait un raccourci que jamais il ne trouva.


Il y avait essentiellement des collègues journalistes, mais aussi des artistes, des scientifiques et même quelques élus (la plupart avait été démis de leur fonction, n’ayant pas les 10% de capacités intellectuelles supérieures à la moyenne requises pour l'exercer, en application des règles de la "démocratie sélective" qui, désormais, était en vigueur sur toute la planète).


Cela a commencé par une auberge abandonnée et par un homme devenu trop las pour continuer sa route. Cela a commencé par l'atterrissage d'un vaisseau venu d'une autre galaxie.


Pratiquement tout le monde était arrivé, le bocal de sangria et les petits gâteaux étaient disposés sur une table.


Maintenant, David Vincent sait que les envahisseurs sont là, qu'ils ont pris forme humaine et qu'il lui faut convaincre un monde incrédule que le cauchemar a déjà commencé.


Ménuin se saisit de la télécommande, il mit la pause et s'adressa à l’assistance devant la tête de Roy Thinnes qui emplissait tout le mur :
"Mesdames et Messieurs, je tiens à vous annoncer qu’un invité surprise se joindra à nous sur le coup de minuit. Je ne vous en dis pas plus, en attendant, amusez vous bien."
Officiellement, Ménuin avait organisé cette soirée pour fêter son anniversaire. Mais cette réception avait une autre finalité, Il avait prévu quelque chose de vraiment particulier et l’on se demandait quoi. Cela n’empêcha pas les convives de s‘amuser.
Avec un grand sens de la mise en scène, l’invité surprise en question arriva à minuit tapante. Il portait un jogging, une veste au col relevé et une casquette. Quand Ménuin l’introduisit dans la salle de réception, l’inconnu retira sa casquette et il y eut un silence de stupéfaction ; tout le monde reconnut le "Maître des Maîtres", Isar alias Etienne Morillon, le Saint Prophète des extraterrestres, le Gouverneur Général de la Terre en personne, qui était venu leur rendre visite incognito.

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Il y avait maintenant tout un groupe de personnes qui connaissaient la vérité sur Isar et les extraterrestres, elles avaient été triées sur le volet, non en fonction de la supériorité de leur coefficient intellectuel, mais du degré de confiance que leur accordait Ménuin et ses amis. Parmi ces personnes, il y avait René Printemps.
La marge de manœuvre de ce groupe d’initiés était on ne peut plus réduite. Savoir que les extraterrestres n’étaient pas ce qu’ils prétendaient être et qu’à tout moment on risquait de se faire massacrer s’il leur venait à l’idée de se battre entre eux, çà n‘avançait pas à grand chose. Que faire dans une telle situation ? Impossible de les chasser, ils étaient trop forts et trop bien établis. En parler autour de soi et organiser la résistance ? Qui serait prêt à leur résister et pourquoi ? Après tout, depuis qu’ils étaient arrivés, ils n’avaient fait que du bien ; ils avaient guéri les maladies, mis fin à la pauvreté, instauré la paix, supprimé la pollution, que pouvait on leur reprocher ?
Pourtant, il y avait un réel danger, il fallait s’y préparer et  prévoir quelque chose pour se protéger, c’était tout ce qu’on pouvait faire.

 

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Ochonios et Pandital n’étaient pas dupes, ils avaient bien remarqué que Morillon et Ménuin se voyaient avec d’autres personnes, ils se doutaient bien qu'il avait vendu la mèche et qu’il n’était plus le seul à connaître la vérité à leur sujet. Ils s’étaient résolus à attendre tranquillement la suite des évènements.
Après tout, la situation les amusait, l’enjeu n’était pas capital. Mais c'était beaucoup moins amusant pour les terriens, en ce qui les concernait, les enjeux étaient extrêmement graves.

 


Les Rékabites

 


Peuples de la terre, on vous ment ! Les extraterrestres qui sont arrivés sur notre monde ne sont pas ceux qui ont été annoncés par notre Saint Prophète Isar. Ces étrangers ne sont pas les Séraphim, ce sont des imposteurs. Ils se font passer pour des bienfaiteurs, mais en vérité, ils nous veulent du mal. Ne leur cédez en rien, ne leur obéissez pas, continuez à projeter vos pensées au fond du cosmos et implorez les véritables Séraphim de venir à notre secours.


Ce message signé "les Rékabites", en référence à un groupe de juifs de l’époque de Jérémie, qui étaient restés intègres dans une société corrompue*, avait été envoyé sur toutes les boîtes e-mails, sur les réseaux sociaux et les forums dans toutes les langues.
Aussitôt, sous la pression d’Ochonios et Pandital qui n’avaient pas du tout apprécié cette incidence, Morillon publia un démenti ; il expliqua que ces "Rékabites" étaient un groupe de dissidents de l’église isarienne qui avaient été excommuniés quelques années auparavant ; ils avaient eu le toupet de contredire Isar lui-même sur sa doctrine et ses révélations. Comme ils ne voulaient pas en démordre, Morillon les avaient excommuniés, et ils avaient créé leur propre église de leur côté.
Paradoxalement, ils le considéraient toujours comme leur Saint Prophète et la référence ultime de leur doctrine. Cependant, Morillon se montra extrêmement clair là-dessus : il n’avait aucun lien avec eux et leurs propos n’engageaient qu’eux-mêmes, car les extraterrestres qui étaient arrivés sur terre étaient bien les Séraphim annoncés, il n’y avait absolument aucun doute là dessus.
On aurait pu croire que çà en serait resté là, mais les Rékabites publièrent aussitôt un nouveau pamphlet :


Peuples de la terre, notre Saint Prophète Isar est manipulé par les extraterrestres imposteurs, il est leur prisonnier et contraint de leur obéir sous la menace. S’il refuse, nous serons détruits. Il fait un énorme sacrifice pour nous. Continuons à projeter nos pensées au fond du cosmos afin de prendre contact avec les véritables Séraphim, nos créateurs. Implorons les de venir à notre secours.


"Je ne m’en sortirai jamais !" se lamenta Morillon. Pour la première fois de sa vie, Ménuin se sentit de la compassion pour lui, il esquissa le geste de lui faire une tape amicale mais il se reprit.
"Ils ne vont quand même pas vous accuser de complicité avec eux." lui dit-il.
"On voit que vous ne les connaissez pas, ils m’ont convoqué à l’Hôtel de Ville de Paris, où ils ont établi leurs quartiers, ils veulent des explications sur les Rékabites et leurs communiqués. Ils sont persuadés que je suis de mèche avec eux."
"Le pire," remarqua Ménuin, "c’est qu'ils touchent la vérité du doigt."
"Vous avez mis trop de monde au courant à votre anniversaire, il y a eu des fuites."
"C’était l'idée, je voulais que la nouvelle se répande par le biais de personnes habituées à la vie publique, comme les journalistes, les hommes politiques, les scientifiques et les artistes. Il n'y a rien d'étonnant à ce que ce soit arrivé aux oreilles de ces Rékabites. Vous les connaissez bien ?"
"Un peu trop à mon goût. Ce groupe a été fondé par un de mes disciples de la première heure, Eric Spark."

"Ah oui, il me semble l'avoir déjà rencontré."

"Dès le début, il a bu mes paroles comme du petit lait, il croyait à fond à tout ce que je lui racontais. Il m’a été bien utile pour créer mon église, c’était un vrai fanatique ; il était persuadé que les extraterrestres lui envoyaient aussi des messages télépathiques et lui ordonnaient de m’adorer. Je ne l’ai pas contredit, il me rendait un énorme service."
"Vous savez où ils sont ?"
"Aux dernières nouvelles, ils étaient basés à Turin, en Italie, mais çà m‘étonnerait qu‘ils y soient encore."
"Donnez toujours l'adresse, je vais tâcher de les rencontrer."
"Vous feriez cela ? Si vous pouviez les raisonner un peu !"
"Je ferai ce que je pourrai."
"Ménuin, faites vite, de grâce !"

 

---------------------

 

Pendant que Morillon se rendait à l‘Hôtel de Ville, Ménuin prit une soucoupe volante pour Turin, une soucoupe modèle isarien certifié conforme,  c'était devenu le moyen de transport aérien principal, on avait presque complètement abandonné les avions.
Le "Maître des Maîtres" se sentait tout penaud, il avait l’impression d’être un enfant qui va au bureau du directeur pour se faire gronder et çà ressemblait un peu à çà.
Ochonios et Pandital n’étaient pas contents du tout. Ils réprimandèrent Morillon, lui faisant de sévères remontrances qui le terrifièrent et lui laissèrent une profonde amertume.
"Si cela ne cesse bientôt, lui dit Ochonios, nous devrons appliquer des sanctions, et vous ne souhaitez pas que nous en arrivions là, Morillon, n'est ce pas ?"
Morillon baissa les yeux en secouant la tête.
"Bon, disparaissez !" lui ordonna Pandital, sans même lui lancer un regard.
Morillon s’inclina légèrement, esquissant un salut, et il sortit à pas rapides. Il sanglotait d’être ainsi humilié, lui qui avait été tant craint et respecté quand il était le gourou tout puissant de sa secte, c’était dur à avaler.

 


Turin

 


Assis à la table d’un bar, Ménuin attendait en regardant rentrer les clients, espérant chaque fois que l’un d’eux serait son interlocuteur, celui qui lui avait donné rendez-vous en ce lieu.
Comme il s’y attendait, les Rékabites n’étaient plus basés à l’adresse que lui avait donné Morillon, à la place, il y avait un couple de petits vieux qui ne parlaient pas un mot de français. Il demanda quand même si le nom d’Eric Spark leur disait quelque chose, mais ce fut peine perdue.
Alors qu’il s’apprêtait à retourner à Paris pour prendre une nouvelle direction de recherche, il reçut un texto :  "Savons que vous nous cherchez, RV 15h à cette adresse..." suivait l’adresse du bar où il s’était rendu.
Au moment où il s’y attendait le moins, un homme vint s’asseoir en face de lui. À peu près du même âge que Morillon, le visage maigre et imberbe, les yeux d’un bleu très clair et de longs cheveux grisonnants qui lui tombaient sur les épaules.
"Bonjour, monsieur Ménuin," lui dit il, "ce n’est pas la première fois que nous nous rencontrons, je crois ?"
"Exact, nous nous sommes vus deux ou trois fois avec Morillon, mais nous ne nous sommes jamais parlés."
"Mon nom est Eric Spark, vous souhaitiez me rencontrer ?"
"Oui, j’aimerais savoir ce qui vous motive. Faites vous cela pour nuire à Morillon ?"
"Bien au contraire, nous sommes persuadés que les extraterrestres qui sont venus sont des imposteurs, qu’ils n’ont rien  à voir avec nos créateurs dont le Saint Prophète Isar a annoncé le retour. Ceux-ci se font passer pour eux, afin de nous envahir plus facilement, et ils manipulent Isar, le forçant à faire toutes leurs volontés sous peine de s’en prendre à l’humanité."
"Mais, Spark !" s’insurgea Ménuin, "vous vous plantez complètement ! Il faut que vous le sachiez : Morillon a raconté des conneries depuis le début, c’est lui qui me l’a dit."
"Vous n’êtes pas le premier à prétendre qu’Isar lui a fait des confidences de cet ordre. Je ne vous crois pas."
Spark n’avait absolument pas l’air de douter de son "Saint Prophète", il allait être dur de le convaincre, même avec çà : une vidéo que Ménuin avait prise avec son smartphone, le soir de son anniversaire au Touquet. On voyait Morillon assis à une table, les invités debout autour de lui en train de l’écouter et il se livrait à une confession complète, répétant tout ce qu’il avait dit à Ménuin à Montmartre.
Spark regarda la vidéo jusqu’au bout avec un petit sourire amusé, n’ayant pas le moins du monde l’air troublé. Il rendit le smartphone à Ménuin et lui dit :
"Ce n’est pas une preuve, dans cette vidéo, à aucun moment il ne dit avoir menti, il dit simplement que les extraterrestres qui sont là ne sont pas ceux qu'il annonçait dans ses livres. Dans tous les cas, quelques soient les différents qui nous aient opposés, j’ai une confiance absolue en lui, il sait ce qu’il fait, rien n’ébranlera jamais la foi que j’ai en lui."
"Vous êtes vraiment borné !" s’écria Ménuin, "pourtant, vous n’êtes pas un con ; vous avez quand même deviné la moitié de la vérité : Morillon est manipulé par les extraterrestres, ilsse font passer pour ceux auxquels vous croyez pour s’emparer plus facilement de la terre. À cause de vous, votre Saint Prophète est dans de sales draps, Dieu sait ce qui va lui arriver, et pire encore, ce qui va arriver à l’humanité ! Si vous aimez votre Isar tant que çà, il faut arrêter de dire des conneries sur internet ou ailleurs, sinon, on va tous payer les pots cassés."
"Nous n’arrêterons pas !" répondit Spark avec détermination, "j’ai reçu un message télépathique des Séraphim, les vrais, ils sont en route, ils arrivent, ils viennent à notre secours, ils délivreront le Saint Prophète, ils chasseront les imposteurs et amèneront l’Âge d’Or sur la terre."
Ménuin soupira d’un air désespéré. Spark se leva et lui dit :
"Ravi de vous avoir connu, monsieur Ménuin."
Ménuin ne répondit pas, ne le regarda même pas partir, il était accablé, ne sachant plus que faire.

 

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Les Rékabites et le groupe d’amis de Grégoire Ménuin étaient d’accord sur une chose : les extraterrestres qui s’étaient installés sur terre n’étaient pas ceux annoncés par Isar, ou Morillon, suivant la façon dont on voulait l’appeler et celle dont on le considérait.
D’après les Rékabites, les extraterrestres présents sur la terre n'étaient pas les Séraphim, ceux qu'avait annoncés Isar, ce n'étaient que de vils imposteurs qui s'étaient emparés de la terre par la ruse, mais les véritables Séraphim n’allaient pas tarder à venir à la rescousse.
Pour le groupe de Ménuin, c’était à peu près pareil ; les extraterrestres actuels étaient des imposteurs, mais on pouvait attendre les Séraphim encore longtemps, car ils n’existaient tout simplement pas.
Le reste du monde croyait qu'Ochonios et Pandital étaient bien les Séraphim, mais les interventions des Rékabites avaient commencé à semer le doute, et les polémiques qu’ils entrainèrent devinrent embarrassantes pour les princes galitiens.
En vertu de la "Liberté totale d’expression" édictée à leur arrivée, ils ne purent empêcher les débats d’avoir lieu dans les médias et sur la voie publique.
Ainsi, les Rékabites ne se cachaient pas. Pas vraiment, il savaient que pour l’instant, les imposteurs extraterrestres étaient liés par la sainte loi de "Démocratie Sélective" prêchée par le Prophète Isar.
Les membres du groupe de Ménuin étaient plus circonspects et plus discrets. Si les Rékabites étaient déjà dangereux pour Ochonios et Pandital avec leur moitié de vérité, ils se considéraient encore plus dangereux avec leur vérité complète.
Il fallait s’attendre à ce qu’un jour ou l’autre les princes de Galita trouvent un prétexte pour abolir la liberté d’expression et la démocratie, sélective ou pas.
D’ailleurs, le concept de démocratie était complètement étranger à la culture de Galita, où il n’y avait pas de libertés individuelles, hormis pour les aristocrates qui avaient tous les droits.
Pour Ochonios et Pandital, cela semblait étrange d’accorder une telle liberté à un peuple dont-ils avaient le contrôle. Çà les gênait un peu de voir des roturiers, des milliards de roturiers partager leurs privilèges. Ils s’étaient promis de mettre fin à cet état de choses en douceur.
Malheureusement, la douceur ne fut pas de mise quand Pandital fut victime d’un accident de chasse ; il était tombé de son cheval au galop, son pied s’était pris dans une courroie et il avait été trainé sur plusieurs mètres dans un chemin rocailleux.

 


Grièvement blessé, le prince était dans le coma, il fut placé dans un caisson de stase, où son corps flottait dans un liquide physiologique pendant que des nanobots réparaient les organes et les membres abîmés. Comme il était certain que le prince guérirait tôt ou tard grâce à la médecine galitienne, aux yeux du public, cela ressemblerait à une authentique résurrection.
Une enquête sur les circonstances de l’accident révéla un sabotage ; des pointes de fer avaient été placées sous la selle, ce qui avait excité le cheval, de plus, les sangles avaient été cisaillées.
On n’a jamais su qui étaient les auteurs de cet attentat, personne ne l’a jamais revendiqué. Étaient-ce  les Rékabites, le groupe de Ménuin, un acte individuel ou, ce qui paraissait assez vraisemblable, une mise en scène d’Ochonios pour assassiner son frère ?
Suite à cet attentat, un couvre-feu fut instauré sur toute la surface du globe. C’en était fini de la liberté. Morillon fut assigné à résidence, officiellement pour assurer sa sécurité, quant à Ménuin et ses amis, ainsi que Spark et les Rékabites, ils furent contraints à un rigoureux contrôle judiciaire.
La vie était devenue dure pour Ménuin, les journaux, les chaines de télévision, les stations de radio et les sites internet pour lesquels il travaillait d’habitude lui avaient poliment fait comprendre qu’ils se passeraient de ses services.
Heureusement, comme le système avait évolué vers une société sans argent dont avaient rêvé Marx et Proudhon, Ménuin ne se retrouva pas dans le besoin, il put garder sa luxueuse villa au Touquet et ne rien changer à son train de vie, mais il était prisonnier, ainsi que ses amis et les Rékabites. D’ailleurs, ce sentiment était de plus en plus partagé sur la planète, surtout depuis l’instauration du couvre-feu, qui se prolongea des semaines durant.
Les princes galitiens avaient enrôlé de nombreux terriens dans leurs armées privées, c'étaient eux qui patrouillaient les rues, ils se montraient encore plus consciencieux que les extraterrestres, c'était une aubaine pour ces derniers, car eux-mêmes n'étaient pas assez nombreux pour cette tâche.
Ils exerçaient une surveillance non moins efficace depuis l'espace, les scanners du Terfand fournissaient des images satellites précises au millimètre près. Si un mouvement de rébellion ou une activité suspecte était détectée,  ils pouvaient intervenir n'importe où dans le monde en quelques minutes .
Les médias étaient sévèrement bridés, et les informations circulaient difficilement. Sur les murs, des graffitis apparaissaient : "E.T dehors !", "Aliens Go Home !" ou encore "I don’t want to believe".
Tout cela ce fut certainement arrangé si Pandital avait eu le temps de guérir, mais des terroristes (qui ne furent jamais formellement identifiés) firent sauter son caisson de stase à l’explosif, ce qui réduisit son corps en miettes et mit un terme définitif à sa vie.
Ce fut la catastrophe, une chape de plomb s’abattit sur toute la surface du globe, il y eut des arrestations en masse et des centaines d'exécutions sommaires chez tous ceux qui étaient soupçonnés d'avoir participé, de près ou de loin, à cet assassinat.
Ochonios, devenu seul souverain, ne considérait plus du tout cela comme un jeu et il avait fait emprisonner Morillon et Ménuin, ainsi que ses amis, Spark et les Rékabites. Certains étaient parvenus à s’échapper, mais ils n'avaient pu aller loin, il n’existait plus de frontière ni de pays pour leur donner l’asile politique.
Morillon et Ménuin furent jugés sommairement par un tribunal digne de l’Inquisition et condamnés à mort pour haute trahison.

 

 

*Cf : Jérémie chapitre 35

 

 

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Sommaire

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27 novembre 2016 7 27 /11 /novembre /2016 16:08

 

 

The sphere within the sphere

 

 

Il s'était à peine passé vingt quatre heures depuis la conférence de presse de Montréal, au terme de laquelle les extraterrestres s'étaient officiellement manifestés sous les traits du séduisant d'Eluel alias Ochonios. D'une voix douce et rassurante, il avait délivré un message de paix que chacun entendit dans sa propre langue. Ce fut l'événement le plus important de l'histoire, et encore, ce n'est qu'un piètre euphémisme.

Une séance extraordinaire, dans tous les sens du terme, était prévue  au siège de l'Organisation des Nations Unies à New York pour le début de la semaine qui suivait cette pentecôte planétaire.

La tribune fut installée non à l'intérieur des bâtiments, mais à l'extérieur, autour de la "sphere within the sphere" de Pomodoro qui prenait une valeur symbolique plus marquée que jamais.

 


Devant les caméras du monde entier, Morillon fut reçu en grande cérémonie avec ses hôtes extraterrestres, tous trois revêtus de la combinaison blanche de l'Église avec le symbole de l'éternité brodé sur la poitrine.
Des soldats galitiens les escortaient, eux aussi vêtus de la même combinaison. Ils avaient été soigneusement briefés avant leur départ ; si possible, ils ne devaient parler à personne, et si on venait à les interroger, ils devaient dire qu'ils étaient des Séraphim et non des galitiens et qu'ils devaient appeler Ochonios Eluel.
Comme ils n'étaient pas tous d'une brillante intelligence, il fallut de la patience pour leur faire rentrer ça dans le crâne. Heureusement, aucun, parmi eux, ne pensa à demander pourquoi on faisait ça, ça épargna bien du soucis.
Le secrétaire général des Nations Unies prononça un bref discours de bienvenue, implorant le pardon de "Maître Isar", au nom de l'humanité, de ne pas l'avoir cru et de l'avoir tourné en dérision durant tout ce temps.
Cela avait plus l'air d'agacer Morillon que de l'honorer, il hocha la tête avec impatience et lui fit signe d'abréger. Le secrétaire l'invita à le rejoindre à la tribune, mais il déclina, il se sentait incapable de faire un discours, lui qui était d'habitude si à l'aise pour parler en public.

Il était sensé faire un petit discours d'introduction pour présenter les Séraphim à l'humanité en la personne d'Ochonios, ce dernier n'avait d'autre choix que de monter tout de suite à la tribune, en sautant le passage de son entrée en scène qui promettait pourtant d'être émouvant, néanmoins, en acteur émérite, il assuma pleinement son rôle de représentant des extraterrestres pour lequel il était tout désigné, avec sa chevelure blonde et son teint pâle, il ressemblait à Eluel tel que Morillon l'avait maladroitement représenté dans "la Vérité Absolue", qui s'était vendu à des milliers d'exemplaires ces derniers jours.

 


Chacun fut frappé d'une crainte religieuse à son apparition, que ce fut devant les bâtiments de l'ONU ou aux antipodes sur un écran plasma. Un silence pesant tomba sur toute la planète, un silence qui le combla d'aise, même si l'effet produit semblait moins solennel que ce qu'il avait prévu, mais il flattait agréablement son ego..

La Terre toute entière était suspendue à ses lèvres. Au pied de la tribune, Pandital et Morillon l'observaient avec anxiété, surtout Pandital qui connaissait le caractère fantaisiste de son très narcissique frère, il avait peur de ce qu'il allait dire et craignait que leur crédibilité ne fut remise en cause s'il en faisait trop.
Enfin, Ochonios prit la parole :

"Mon nom est Eluel," commença-t-il, "j'appartiens au peuple des Séraphim, nous venons d'une planète très semblable à la votre située à à deux-cent mille années-lumière de là, dans le Petit Nuage de Magellan."
Ochonios prit une grande inspiration et il continua, expliquant comment lui et les siens étaient venus des millions d'années auparavant sur la terre alors qu'elle n'était qu'un rocher stérile, se laissant progressivement emporter par le lyrisme, il évoqua ce temps lointain où ils créèrent la vie grâce à leur parfaite maitrise de la génétique.
Il ne faisait que réciter la version isarienne de la genèse, mais il y mettait de plus en plus de conviction, ce qui commençait à inquiéter Pandital et Morillon.
Ils furent littéralement pétrifiés quand, outrepassant son rôle, il déclara avec emphase  :
"Vous êtes nos enfants, nous avons créé vos ancêtres à notre image dans nos laboratoires, ainsi que chaque être vivant sur cette terre, chaque animal, chaque brindille, chaque bactérie, tout vient de nous, et à votre tour, vous irez un jour propager la vie à un autre endroit de l'univers.
Il y a trente ans, nous avons contacté notre Frère Isar, que vous connaissiez sous le nom d'Etienne Morillon, nous l'avons choisi pour être notre Intendant parmi vous et vous préparer à notre venue.
Vous ne l'avez pas cru, vous le preniez pour un menteur, pourtant, pendant tout ce temps il vous disait la vérité, il vous demandait de faire la paix entre vous afin que nous acceptions de venir, mais vous ne l'avez pas écouté.
Pendant trente ans, Frère Isar a du supporter les humiliations et les moqueries des incrédules alors que continuaient vos guerres et s'étendaient vos industries, détruisant chaque jour un peu plus la Terre, votre berceau.
Vous nous aviez tellement déçus que nous étions déterminés à vous abandonner, mais Frère Isar a su se montrer convaincant et il nous a si profondément touchés dans ses supplications, que nous vous avons pardonnés.
Nous venons en paix, mes enfants" conclut il en étendant les bras dans un geste filial, "nous venons vous sauver, car, malgré tout le mal que vous avez fait, malgré tous vos défauts, vous restez nos enfants, et nous vous aimons !"
Au milieu d'une clameur assourdissante, il répéta :
"Nous vous aimons !"
Les acclamations et les applaudissements éclatèrent devant le bâtiment des Nations Unies et sur les places de toutes les grandes villes, où la multitude s'amassait devant des écrans géants qui diffusaient l'évènement en direct, partout à travers le monde, des millions de voix se mirent à scander :
"Eluel ! Eluel !"
Pandital adressait des regards réprobateurs à son frère en lui faisant signe de descendre, mais Ochonios l'ignorait, il restait à la tribune les bras toujours étendus avec un sourire extatique.
Soudain, une colonne de lumière descendue du ciel l'enveloppa, il s'agissait d'un rayon tracteur émis depuis le Terfand, stationné quelques dizaines de mètres plus haut, au dessus des nuages,  qui "enleva" le Prince Galitien dans toute sa gloire tel un Christ en Ascension.

 


Pandital avait du mal à contenir sa colère, il agrippa le bras de Morillon et l'entraina avec lui sous le rayon qui les "enleva" à leur tour sous les hurlements de joie de la foule en délire, une émeute s'ensuivit qui gagna toute la ville de New York et que les autorités eurent beaucoup de mal à contenir.

 

Pandital et Morillon avaient rejoint Ochonios dans sa cabine à bord du Terfand. Il avait ôté la tenue isarienne et enfilé une élégante robe de chambre en cachemire brodée d'or. Il les accueillit avec un réel enthousiasme et, tel un artiste venant d'accomplir sa prestation, il leur demanda :
"Comment m'avez vous trouvé ?"
Pour toute réponse, Pandital lui agrippa le col en s'écriant :
"Imbécile ! Tu n'as pas intérêt à recommencer ce genre de fantaisie !"
"Du calme, mon frère," répondit Ochonios, "qu'ai je donc fait de mal ?"
"Tu ne peux pas t'empêcher d'en faire trop," répondit Pandital en le relâchant, "ce genre de mise en scène n'était pas prévu, tu risques de tout faire rater. Nous devons agir prudemment, rester sobres et mesurés, ou bien nous perdrons toute crédibilité."
"Au point où ils en sont," fit remarquer Ochonios, "les terriens ne savent plus distinguer ce qui est crédible de ce qui ne l'est pas. Notre simple présence n'est déjà pas crédible."
"Tu as sans doute raison, mon frère, mais maintenant, fini le spectacle, entendu ?"
"Entendu." lui assura Ochonios.
Pandital se tourna vers Morillon et lui lança sèchement :
"Suivez nous, Morillon, nous devons réorganiser toute votre planète, nous avons du travail pour vous."
Ces paroles, la manière dont elles étaient prononcées, le ton employé parfaitement rendu par le traducteur, tout confirmait qu'il était considéré comme un valet par ces deux jeunes privilégiés hautains et arrogants.


 

Le Xénocène

 


C'est le chimiste hollandais Paul Crutzen qui a introduit la notion d'Anthropocène ; l'ère durant laquelle la planète terre s'est radicalement transformée à cause de l'homme, il la faisait débuter à la fin du XVIIIe siècle avec la révolution industrielle, mais en vérité, elle avait commencé dès l'apparition du premier hominidé.
L'ère de l'Anthropocène s'achevait avec l'arrivée des extraterrestres, une ère nouvelle commençait, une ère qu'il convenait d'appeler le Xénocène.

 

---------------------

 

À l'unanimité, les représentants de l'ONU avaient élu Morillon Gouverneur Général de la Terre. À vrai dire, ils n'avaient pas trop eu le choix.
Les gouvernements de toutes les nations avaient été dissous, même si cela ne s'était pas fait sans mal avec certains pays, les dirigeants qui étaient en place furent provisoirement maintenus en tant que gouverneurs, en attendant que soit instaurée la "Démocratie sélective".
L'argent fut aboli, ce fut là l'un des changements les plus difficiles à faire accepter aux habitants de la Terre.  Pourtant, il était devenu parfaitement inutile ; les princes galitiens avaient nettoyé toute la pollution, l'air et les eaux étaient purifiés de toute souillure, la radio-activité complètement éliminée, des milliers de kilomètres carré de terre assainie et fertile avaient été libérés, de plus, chaque ville et chaque village fut équipé de synthétiseurs qui produisaient nourriture et matières premières à volonté. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, la faim avait totalement disparu.
Les hôpitaux du monde entier furent équipés de matériel médical galitien et d'hologrammes médicaux ; des médecins virtuels en trois dimensions capables de pratiquer aussi bien que des médecins réels. De plus, ils avaient la faculté de se multiplier et pratiquer plusieurs interventions en même temps.
Ainsi, l'on vit disparaître la plupart des maladies, des plus bénignes aux plus graves, du simple rhume au SIDA, la médecine galitienne soignait pratiquement tout, il fallait à peine huit jours pour guérir un patient atteint d'un cancer généralisé en phase terminale et le remettre sur pieds, un peu plus pour quelqu'un atteint du virus du SIDA. Pour n'importe quelle maladie, le délai ne dépassait que très rarement deux semaines.
De plus, les personnes mutilées se virent pourvues de nouveaux membres aussi performants que ceux d'origine grâce à une technique de régénération cellulaire dérivée de celle du clonage.
Pandital avait raison, cette invasion allait être une bénédiction pour les habitants de cette planète.
Les princes avaient délaissé la base interstellaire des Laurentides, qu'ils jugeaient un peu austère et trop éloignée de la civilisation, ils avaient jeté leur dévolu sur Paris, qui était désormais la capitale du monde, d'une part pour une question de commodité du fait que le Gouverneur Général était français d'origine, mais aussi parce qu'Ochonios et Pandital affectionnaient particulièrement cette ville.
Ils avaient établi leurs quartiers dans l'Hôtel de Ville, ils auraient pu choisir l'Élysée, l'Hôtel Matignon ou tout autre bâtiment prestigieux, mais le style ancien de l'Hôtel de Ville leur était familier et leur rappelait leur monde d'origine.

 


Les choses avaient changé de façon aussi soudaine qu'inimaginable. Du jour au lendemain, le monde était passé du régime des nations à un gouvernement planétaire unique.
Brusquement, ce qui avait passé pour les délires d'un illuminé s'avérait exact, il aurait fallu plus de temps à l'humanité pour accepter l'idée, mais elle fut contrainte de s'adapter rapidement.
Il y en eut pour qui la nouvelle situation ne présenta pas trop de difficultés, notamment chez les amateurs de science-fiction et de jeux vidéo, qui voyaient leur monde virtuel devenir bien réel.
Quant aux personnes "raisonnables", les gens ordinaires dépourvus de toute imagination, cela fut plus compliqué.
Ce fut particulièrement difficile pour les croyants des différentes religions, contraints de remettre toute leur foi en question, il y eut beaucoup de suicides, aussi bien chez les chrétiens, les juifs que chez les musulmans. Le traumatisme fut moindre chez les hindouistes, qui voyaient dans les extraterrestres des avatars de leurs divinités, quand aux bouddhistes, la situation ne les perturbait pas le moins du monde, car elle ne contredisait pas leur doctrine.
Quant aux fidèles de la première heure de l'Église Néo-Évhémériste Isarienne, certains d'entre eux étaient un peu troublés par les différences entre ces "Séraphim" qui se présentaient à eux et ceux que leur Saint Prophète Isar décrivait dans ses livres. Déjà, en voyant les navettes galitiennes d'allure steampunk remplacer progressivement les soucoupes volantes aux lignes minimalistes, cela fit naitre un doute, mais ce n'était pas le plus important.
Ce qui les troubla plus, ce fut de les voir se livrer à la chasse à cour et se repaitre du gibier qu'ils abattaient avec de grandes beuveries en compagnie de prostituées. Leur Prophète leur avait pourtant toujours dit que les Séraphim étaient sobres, ne consommaient pas de viande et ne tuaient jamais aucun être vivant.
Ochonios et Pandital, n'avaient nulle intention de renoncer à leurs plaisirs pour donner le change, ils chargèrent donc Morillon de trouver une explication plausible. Heureusement, grâce à sa culture, il lui fut facile de trouver des arguments pour justifier le comportement des extraterrestres.

 


Lors d'une conférence, il évoqua d'abord Krishna, l'avatar de Vishnu qui se livrait à des jeux divins emprunts d'érotisme avec ses gopis, aux yeux du vulgaire, il ne s'agissait que d'orgies et de débauches sexuelles, mais ces trivialités tendaient vers un but élevé, puisqu'il s'agissait de "jeux divins". Il parla aussi d'Al-Hakim, le Messie des Druzes, qui était roi en Égypte mille ans auparavant. Pendant vingt cinq années, il avait fait régner la terreur dans chaque foyer à cause de ses fantaisies qui le poussaient à torturer et massacrer n'importe qui sous n'importe quel prétexte. Aux yeux de l'histoire, Al-Hakim était un monstre, mais sur le plan spirituel, il avait le droit légitime de commettre ces crimes abominables, car il ne s'agissait pour lui que de jeux, des "jeux divins" réservés aux êtres divins comme lui et Krishna.
Il expliqua que les Séraphim étaient, eux aussi de nature divine, ils avaient donc besoin de distractions qui leur permit de relâcher la pression causée par leurs immenses responsabilités.
Il les rassura en précisant qu'ils seraient loin d'être sadiques comme Al-Hakim, fort heureusement, et que leurs "jeux divins"  se limiteraient à tuer des animaux qui, de toute manière, seraient aussitôt remplacés par clonage, du point de vue éthique autant qu'écologique, celà ne provoquait aucun dommage.
Il lui fallut aussi justifier les nombreux duels que les deux princes avaient déjà livrés depuis leur arrivée et qu'il mettait aussi sur le compte des "jeux divins". Ils s'en étaient pris essentiellement à des aristocrates de la noblesse européenne et avaient gagné à chaque fois. Leurs adversaires étaient généralement blessés, mais très rapidement guéris par la médecine galitienne.
Il y eut, cependant, le fils d'un baron autrichien qui succomba par l'épée d'Ochonios, cela les jeta dans un grand embarras. Les Séraphim étaient sensés savoir ressusciter les morts. En vérité, selon ce qu'expliquait Morillon dans ses livres, il ne s'agissait pas de résurrection en tant que telle, mais plutôt d'un transfert de conscience d'un corps à l'autre, du corps d'origine à son double cloné.
Les galitiens savaient cloner un individu, leur éthique ne le leur interdisait pas, mais il ne savaient pas transférer sa conscience, ils pouvaient simplement la dupliquer, le double ainsi obtenu était différent de celui d'origine, même si ses souvenirs étaient et sa personnalité étaient identiques.

Ils produisirent donc un clone de la victime à la famille qui ne s'aperçut pas, pas plus que lui-même, qu'il était une autre personne. Même si cette pseudo-résurrection était une réussite, il fallait éviter que cela ne se reproduise trop souvent, à la fin, quelqu'un pouvait bien remarquer la supercherie.
Quant à la forme des vaisseaux, Morillon expliqua simplement que les Séraphim étaient en train de remplacer les vaisseaux classiques par des nouveaux modèles.

 

 

L'Échange colombien

 


À la terrasse d'un café d'Anvers, Ménuin buvait un verre avec son ami René Printemps.
"Le "Maître des Maîtres" m'a convoqué à une interview," dit Ménuin, "il doit se goberger, pourtant, la dernière fois, à Montréal, il n’avait pas l’air trop ravi."
"J’imagine que c’était si soudain que çà avait du lui causer du stress.  Tu imagines ? Avoir passé pour un rigolo pendant trente ans et être placé sur un piédestal du jour au lendemain, çà doit faire drôle."
"Moi, j’ai du mal à y croire, je ne suis pas le seul, je sens qu’il y a quelque chose qui cloche."
"Fais gaffe à ce que tu dis, les murs ont des oreilles, le ciel aussi, je parie que de là haut ils peuvent tout entendre." remarqua Printemps d'un air détaché.
Le communiqué officiel a bien précisé : "Liberté totale d’expression". Normalement, si ces "Séraphim" sont aussi bons que les décrit Morillon, on peut dire ce qu’on veut sans être inquiété. De toute façon, notre réputation est déjà faite, toi et moi nous sommes connus, si on doit avoir des emmerdes, on les aura."
"Ouais…"
" Tout est trop parfait," reprit Ménuin, "tout s’emboite trop bien : les évènements coïncident à la virgule près avec la doctrine et les prédictions de Morillon. J’y crois pas, çà ressemble à un coup monté."
"Pourtant, tu as constaté, comme tout le monde, que les extraterrestres existent vraiment, il n’y a plus aucun doute là-dessus. Ils ont même emmené un groupe de journalistes et de scientifiques dans l'espace."
"Je sais, Stephen Hawking était avec eux, tu as vu la vidéo qui circule sur YouTube ?"

 


"Je l'ai vue, on voit Stephen Hawking debout, guéri de sa paraplégie, se tenant bien droit, sans aide, en train d’exprimer sa reconnaissance et sa foi en Isar et les Séraphim, d’une voix claire et limpide, sans son appareillage habituel."

"En tous les cas, il est bien revenu de ses réserves envers les extraterrestres, tu te rappelles ? Il recommandait de ne pas essayer de prendre contact avec eux ni de leur répondre si c'étaient eux qui nous contactaient."

"On n'a pas trop eu le choix sur ce coup là, c'est eux qui nous ont contactés par l'intermédiaire de Morillon, en plus, ils étaient déjà sur place."

"Peut être qu'ils nous ont contactés parce qu'ils nous ont remarqués, si nous avions été plus discrets, si nous avions évité d'envoyer des messages dans l'espace, nous serions peut être passés inaperçus à leurs yeux."

"En fin de compte, c'est peut être une bonne chose qu'ils nous aient remarqués."

"N'en sois pas si sûr, tu as entendu parler de l'Échange colombien ?"

"Non, c'est quoi ?"

C'est un terme inventé par Alfred W. Crosby  un historien américain, il s'agit du processus de transformation de la société qu'avait occasionné la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb, processus essentiellement destructeur en ce qui concerne les amérindiens.  On assiste aujourd'hui à un Échange colombien  au niveau cosmique."

"Méfie toi des cadeaux des athéniens, en somme ?"

"Il y a de çà."

"On ne va quand même pas se plaindre de leur médecine hyper-évoluée, ils guérissent pratiquement tout, cancer, SIDA, hépatite, Alzheimer, sclérose en plaques etc. Selon Morillon ils sont même capables de ressusciter les morts par clonage," se hasarda Printemps, conscient d'aborder un sujet délicat, "tu n'as pas pensé à... ?"
"Sonia et Tifaine ? Non ! Elles sont mortes," répondit Ménuin, "Je veux qu'elles reposent en paix. Je me suis fait à l'idée d'avoir définitivement perdu ma femme et ma fille, si on les fait renaître, elles ne seront pour moi que des spectres."
"Désolé, je ne voulais pas réveiller de vieilles douleurs," s'excusa Printemps, "mais pour le reste, admets que c’est plutôt chouette, non ?"
"Ouais, je dis pas, mais quand même, il y a quelque chose qui me gêne, tout cela sonne faux, je te dis. Je crois qu’on va le payer un jour ou l’autre. C'est le prix de l'échange colombien" conclut Ménuin d'un air sombre.

 

 

Paris

 


Pour l’interview, Ménuin n’eut pas besoin de se déplacer, ce fut Isar qui fit le trajet du Québec à Paris en soucoupe volante. Cela ne lui prit que quelques minutes. Désormais, il pouvait revenir en France quand bon lui semblait, les charges qui avaient pesé contre lui étaient obsolètes, on avait convenu unanimement que toutes les accusations de corruption et de pédophilie n’avaient été qu’un tissu de calomnies pour le discréditer.
Le monde entier avait fait son mea-culpa pour n’avoir pas cru en ses paroles et avoir injustement sali sa réputation. Cependant, Isar était miséricordieux, il avait annoncé le pardon inconditionnel à tous ses adversaires du passé.
"Une Ère Nouvelle s’ouvre devant nous," avait il déclaré lors d'une interview, "il est temps d’oublier nos anciennes querelles et de s’unir face aux épreuves."
C’était le genre de propos auquel on s’attendait de sa part dans de telles circonstances, mais leur formulation avait attiré l’attention de Ménuin.
Un des secrétaires "Maître des Maîtres" l'avait contacté pour lui faire savoir qu'il se tenait à sa disposition et qu’il pouvait venir quand il le voudrait. Une telle élégance lui ressemblait bien.
Morillon avait établi ses quartiers dans la succursale parisienne de l'Église Isarienne où devait avoir lieu l'interview.
Ménuin réunit son caméraman et son preneur de son, puis avant de se mettre en route passa un coup de téléphone à René Printemps :
"Je suis en train de me préparer pour aller le voir. Tu as entendu sa déclaration ? "Une Ère Nouvelle s’ouvre devant nous, il est temps d’oublier nos anciennes querelles et de s’unir face aux épreuves.""
"Oui ? Et alors ?"
"Çà t’a pas frappé ? "oublier nos anciennes querelles et s’unir face aux épreuves", il a une drôle de façon de s’exprimer."
"Comment çà ?"
"Il est sensé être optimiste et avoir confiance en l’avenir, il ne devrait donc pas parler de "faire face aux épreuves". À croire qu’il essaie de faire passer un message. Je suis prêt à parier qu’il a un fil à la patte."
"Je sais pas, c’est une formule toute faite. Mais à la réflexion, c’est vrai que c’est bizarre qu’il dise çà."
"Bon, j’y vais, je te laisse. Je te raconterai après."
"Ciao."

Ménuin fut introduit auprès du "Maître des Maîtres" qui le reçut chaleureusement, dans un salon décoré de tentures de velours et une cheminée au feu de bois.
"Grégoire ! Soyez le bienvenu !" s'exclama Morillon en le voyant. Ce "Grégoire" était nouveau, jusqu’alors, c’était plutôt un "Ménuin" prononcé avec mépris et condescendance.
"Que puis-je pour vous, euh… Etienne ? Vous permettez que je vous appelle Etienne ?" demanda Ménuin.
"Bien entendu !" répondit Morillon d’un ton débonnaire, "cela fait si longtemps que nous nous connaissons, mon vieil ami."
"Mon vieil ami", décidément, Morillon ne reculait devant aucun cliché, l’ennemi de toujours appelant son adversaire "mon vieil ami", c’était usé jusqu’à la corde.
Ils s’assirent tous les deux dans de confortables fauteuils de velour, face au feu de cheminée. Pendant que son caméraman et son preneur de son se mettaient en place, Ménuin demanda à Morillon :
"Qu’attendez vous de moi ?"
"J’aimerais m’adresser aux nations de ce monde et les assurer que les extraterrestres sont nos amis, qu’ils sont là pour nous apporter tous les bienfaits dont ils disposent, qu'ils sont nos créateurs et nous leurs enfants, et qu'ils ne veulent que notre bien."
"Mais je n’en doute pas !" rétorqua Ménuin, avec une ironie mal dissimulée, "mais ne l'avez vous déjà dit précédemment ? Cela risque d'être redondant."

"La première fois, le public était sous le coup de l'émotion, il n'était pas suffisamment réceptif, maintenant que les esprits sont calmés, mes explications seront plus efficaces. D'ailleurs, il me faudra renouveler ces explications régulièrement afin qu'elles soient bien assimilées de tous"

"Cela s'appelle de la propagande." remarqua Ménuin sans se départir de son ironie.

"Allons," répondit Morillon en riant, "ne soyez pas grossier."

"Très bien," répondit Ménuin, "c'est vous le boss, maintenant."

"Oui." fit le Maître des Maîtres, avec un léger soupir mélancolique qui n'échappa pas au journaliste.
Une fois que ses équipiers furent prêts, l’interview commença et fut intégralement enregistrée. Elle consistait en une succession de platitudes sur l’intégrité morale et les vertus des "Séraphim", au point que Ménuin manqua de s’assoupir à deux ou trois reprises.
Quand l’entretien fut terminé, Morillon se leva et lui tendit la main :
"Cher ami, au plaisir de vous revoir."
En lui serrant la main, Ménuin sentit un petit papier plié en quatre dans sa paume. Discrètement, il referma les doigts dessus.
Morillon le raccompagna à la porte avec son caméraman et son preneur de son et ils remontèrent dans leur camionnette. Ménuin, assis à la place du passager attendit qu’il se fussent un peu éloignés, puis il déplia le papier et lut ces quelques mots griffonnés à la hâte : "demain 16h 30 église Montmartre."

 

 

Montmartre


Le lendemain, Ménuin était là, à 16h 30 sur le parvis de l’église de Montmartre.  Il attendit une dizaine de minutes avant qu’un inconnu lui demande l’heure. L’homme était vêtu d’un jogging et de baskets et il portait une casquette de base-ball dont la visière lui dissimulait la moitié du visage, Ménuin se pencha et reconnut Morillon :
"Vous vouliez me parler, Morillon ?"
"Ne m'appelez pas par mon nom, allons à l’intérieur."
Ils entrèrent dans l’église, l’autel et les bancs étaient toujours là, même si la messe n’était plus pratiquée.
Bien que le christianisme et toutes les autres religions eurent été officiellement déclarées obsolètes, il restait pourtant quelques irréductibles qui continuaient à s'accrocher à leurs anciennes croyances, surtout des personnes âgées agenouillées sur les prie-Dieu pour réciter des "Notre Père" et des "Je vous salue Marie" à voix basse.
Ils prirent place sur un banc et Ménuin engagea la conversation :
"J’ai l’impression que tout ne va pas comme vous voulez."
"De grâce, Ménuin," répondit Morillon, "épargnez moi vos sarcasmes, nous sommes dans la merde jusque là !"
"Comme c’est surprenant !" répliqua Ménuin en ricanant, "allez, dites moi tout."
Morillon jeta un regard autour de lui, puis il dit à mi-voix :
"Ces extraterrestres, ils ne sont pas ce qu’ils prétendent être."
"Sans blague ?" répliqua Ménuin.
"Vous vous foutrez de ma gueule plus tard, pour l'instant, on est vraiment dans la merde !" continua Morillon, " ce ne sont pas des Séraphim, ils viennent d'une planète au régime moyen-âgeux appelé Galita. Ils ont entendu parler de moi et de mon église, et çà leur a donné l’idée de m’utiliser pour coloniser la terre. Ils n’ont absolument rien à voir avec les extraterrestres que j’ai décrits, ils n’ont pas créé la vie sur terre, ils ne nous ont pas créés, et ils ne viennent pas avec des intentions purement bienveillantes. Ils me contrôlent, ils m’obligent à faire toutes leurs volontés. Si je désobéis, ils utiliseront la violence pour conquérir notre planète. Je suis leur prisonnier et leur pion."
"Je ne vois pas comment je pourrais vous aider," répondit Ménuin, qui était devenu grave, "que sont-ils exactement, sont-ils humains comme nous ?"
"Oui, morphologiquement et intellectuellement, ils nous sont complètement semblables, ils ont simplement plus d’avance que nous sur le plan scientifique et technologique.Ceux qui me contrôlent sont deux frères qui s’appellent Ochonios et Pandital, Ochonios, c'est celui qui se fait appeler Eluel. Ce sont des aristocrates, leur père est l'empereur de leur planète qui s'appelle Galita.
Pour eux, je suis ne suis qu'un instrument, notre salut, notre bien-être, ils s’en branlent, ce qui compte, c’est d’avoir un terrain de jeu pour eux tout seuls, et j‘ai peur qu'ils fassent des dégâts, ils aiment les orgies, les prostituées, la chasse, les duels, se sont des hommes impulsifs et capables des pires violences, ce ne sont que des êtres humains, ce ne sont pas des "dieux"  comme je les décrivais. Vous comprenez ?"
"Que trop," répondit Ménuin en poussant un soupir, "pourtant, ils ont fait de bonnes choses jusqu’à maintenant. Que comptent ils faire, à court et moyen terme ?"
Morillon retira sa casquette et regarda Ménuin dans les yeux :
"Ménuin, pendant des années, en tant que gourou de la secte des isariens, j’ai moi-même vécu l’existence d’un prince. Je sais bien comment se trament et se nouent les intrigues de cour, je reconnais les signes annonciateurs d’une rivalité, d’une jalousie ou d’une ambition frustrée. J’ai longuement observé cet Ochonios et ce Pandital, je peux vous dire que ces deux frères qui semblent si unis s’affronteront un jour ou l’autre. Je le vois à leur façon de se regarder, je le sens à leur manière de se parler. Croyez moi, quand ils se foutront sur la gueule, nous, on sera entre deux et on va salement morfler."

 

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19 novembre 2016 6 19 /11 /novembre /2016 12:39


Deux journalistes suisses, Daniel Briant et Elisée Macron, avaient sollicité une interview du "Maître des Maîtres". Leurs noms ne lui disaient rien, pourtant il connaissait presque tous les journalistes européens. Il vérifia sur internet et trouva plusieurs sites d'informations sérieux qui les mentionnaient, leurs références semblaient bonnes et ils bénéficiaient d'une réputation de neutralité à l'image de leur pays.
Il accepta donc l'interview et les invita à lui rendre visite dans sa forteresse des Laurentides.
Accompagnés d'un caméraman et d'un preneur de son, ils arrivèrent en fin d'après midi en Land Rover chargée de matériel vidéo, la région était sauvage et loin de toute civilisation, après une heure de trajet assez facile depuis Montréal, d'où ils étaient sensés être partis, ils avaient du rouler plus de deux heures dans des chemins cahoteux peu praticables en véhicule, il n'y avait qu'un van tout terrain comme le leur capable d'effectuer un tel trajet.

Non sans mal, ils étaient parvenus à l'ambassade stellaire, dressée au cœur d'une forêt de bouleaux et de hêtres, elle était entourée d'une haute barrière tressée de barbelés et l'entrée était gardée par des hommes armés.
Ils durent franchir plusieurs portails et justifier de leurs identités à plusieurs reprises avant d'être introduits dans le complexe ressemblant à un gigantesque décor de film de science-fiction, des structures d'un kitsch de mauvais goût qui se voulaient futuristes, entourant une piste circulaire de la taille d'un terrain de football, la piste d'atterrissage pour soucoupes volantes, au bord de laquelle se dressait un bâtiment aux lignes plus classiques ressemblant à une maison de campagne.

Deux gardes les précédèrent dans un petit véhicule électrique pour les guider, ils traversèrent la piste dans toute sa largeur pour accéder au pavillon, se garèrent devant, on les fit entrer et ils durent patienter une dizaine de minutes dans un salon sobrement décoré.
Les techniciens commençaient à installer leur matériel, quand Etienne Morillon fit une entrée solennelle, revêtu de sa combinaison blanche avec le symbole Isarien sur la poitrine.
D'emblée, il fixa les règles comme il l’avait fait avec Grégoire Ménuin et tous les autres journalistes  :
"J'attends de vous, messieurs, la même déférence et le même respect que vous auriez pour le Pape ou le Dalaï Lama."
Puis il les invita à s'asseoir et l’interview put commencer. Daniel Briant lui posa les questions habituelles sur les origines de son église et sa doctrine.
Morillon raconta, pour la N-ième fois, sa rencontre avec les extraterrestres, et il exposa, une fois de plus, la mission dont ils l’avaient chargé.
Il leur donna une foule de détails sur ces êtres qu’il disait connaître intimement, il leur décrivit leur monde, leur civilisation, leur technologie. Il évoqua Moïse, Jésus, Mohammed et Bouddha ressuscités grâce à la technique du clonage, enfin, il parla de l'Âge d'Or à venir qu'amèneront les Séraphim quand ils se révèleront à l'humanité..
À la fin de l’entretien, alors que Morillon s’apprêtait à leur donner congé, Elisée Macron lui demanda :
"Maitre des Maitres, puis-je me permettre une dernière question ?"
"Faites donc." répondit il.
"Que diriez vous si je vous annonçais que nous sommes nous-mêmes des extraterrestres ?"
Morillon eut un sourire crispé, ne s'attendant pas du tout à ce genre de réflexion, pourtant, il en avait entendu depuis trente ans qu'il dirigeait l'église Isarienne.
"Très drôle, messieurs, mais vous m'excuserez, je suis occupé et je vais devoir vous quitter."
"Mon compagnon est très sérieux," intervint Briant, "comment réagiriez vous si vous appreniez que mon collègue et nos techniciens sommes des extraterrestres ?"

Morillon observa rapidement les quatre hommes qui le regardaient en souriant, il se fit la remarque que certains traits de leur visage était un peu singuliers, leurs yeux avaient l'air plus grands que la normale et légèrement bridés et leur torse semblait plus large que la moyenne, comme chez les habitants des Andes en Amérique du Sud, mais cela n'avait rien de vraiment exceptionnel. Cependant, une sourde angoisse bouillonnait au fond de lui, sur le point d'émerger, il parvint à la réprimer et répondit :
"Eh bien, je vous demanderais de le prouver."
"Je vois" dit Macron, "vous n'êtes pas aussi naïf que vos adeptes."

"J'ai pris des renseignements sur vous, même si je ne vous connaissais pas avant, je sais que vous êtes des journalistes ayant une certaine renommée, je ne vois pas l'intérêt d'une telle mise en scène."

"Tout est faux," répondit Macron, "nos identités, nos références, tout a été inventé pour vous faire tomber dans le panneau. Que croyez vous ? Notre technologie a des siècles d'avance sur la votre, croyez vous que manipuler les bases de données de votre primitif système informatique soit impossible pour nous ?"

"Mmoui !" fit Morillon d'un ton distrait, tout en pressant discrètement le bouton d'une télé-alarme accrochée à son cou, "bon, dépêchez vous de me dire où vous voulez en venir, je commence à ne plus vous trouver très drôles, et je vous serai reconnaissant de ..."

À ce moment là, six gardes du corps en uniformes, armés de matraques et de phazers, entrèrent dans la pièce et entourèrent les journalistes et leurs assistants.

"... de prendre congé sans tarder, j'ai beaucoup à faire."

"Est ce là une façon de traiter des visiteurs ? Des visiteurs qui ont fait tant de chemin pour vous rencontrer !" dit Macron que l'arrivée des agents de sécurité n'avait pas troublé.

"Virez moi ces cons !" leur ordonna Morillon, mais ils n'eurent pas le temps de faire un geste que Macron sortait un objet de sa poche, çà ressemblait à la combinaison d'une arme à feu du XVIIIe siècle à la crosse de bois et d'un pistolet laser de série de SF, un éclair blanc en surgit qui les foudroya, et ils s'écroulèrent tous les six sans connaissance sur le sol.
Morillon sursauta violemment :
"Qu’avez-vous fait ?"
"Gardez votre calme !" lui ordonna Briant, pendant que Macron sortait un genre de téléphone portable en acajou avec des touches de nacre d'une autre poche, il dit quelques mots dans une langue inconnue, puis un sifflement résonna à l'extérieur. Morillon regarda par la fenêtre et à sa grande stupeur, il vit une soucoupe volante argentée de la taille d'une camionnette, en tous points semblable à celles qu'il décrivait dans ses livres, atterrir sur la piste de l’ambassade stellaire.
"Bravo, messieurs !"  s’écria-t-il,  "votre coup monté est réussi  et convainquant, vous êtes très forts !"
"Ce n’est pas un coup monté," répondit Briant, "nous sommes réellement des extraterrestres."
Morillon resta un instant figé, puis il dit :
"Ce n'est qu'un vulgaire canular destiné à me ridiculiser, je ne me laisserai pas abuser !"
"Puisqu'on vous dit que ce n'est pas un canular,"  répondit Macron, "vous êtes vraiment difficile à convaincre, nous sommes pourtant bel et bien des extraterrestres, regardez nous, nos visages, notre allure, ils sont un peu différents de ceux des terriens, çà se voit, quand même..."

Morillon convaincu d'être victime d'une habile mise en scène, regardait autour de lui pour détecter des dispositifs d'effets spéciaux, il n'était pas question de se faire ridiculiser dans une vulgaire caméra cachée qui ferait instantanément le tour de la planète, il était résolu à garder une attitude sceptique, et la sourde angoisse qu'il avait ressenti le reprit, plus difficile à réprimer.

"En effet," répondit il avec un petit rire forcé, "vos visages ont quelque chose de singulier et vous êtes baraqués, mais çà n'a rien d'exceptionnel, il en faut plus pour m'avoir."

"Nous avons neutralisé vos gardes sous vos yeux avec notre technologie."

"La technologie terrestre est tout à fait capable de ce genre de chose, et qui me dit que ces gardes ne sont pas vos complices ?" ajouta-t-il en donnant un léger coup de pied dans les côtes de l'un des hommes inconscients sur le sol.

"Et cette soucoupe que nous avons fait atterrir sous vos fenêtre ?"

"Bah ! L'armée américaine a déjà construit ce genre d'engin, rien de bien exceptionnel non plus, ma foi, vous en avez construite une vous même en lui donnant l'allure de celles que je décris."

"Vous avez raison, c'est une soucoupe volante de notre fabrication basée sur vos croquis. En vérité, il ne nous viendrait jamais à l'idée de construire de tels engins, mais comme pour vous, les terriens, un extraterrestre sans soucoupe volante n'est pas digne de ce nom, nous avons cru bon de recourir à ce subterfuge.  Accepteriez d'y jeter un œil ?"

"Si vous y tenez..." répondit Morillon sans se départir d'une certaine contenance, toujours tenaillé par cette angoisse qu'il tâchait de dissimuler du mieux qu'il pouvait.

Il sortit avec les quatre hommes, et ils se rendirent au centre de la piste où avait atterri la soucoupe. Avec ses lignes minimalistes, elle était en tous points semblable à celles qu'il représentait dans ses livres, en forme de cloche aplatie, avec des hublots tout autour et posée sur trois pieds, la soucoupe volante classique rappelant celle des envahisseurs de la série télé des années soixante.

 

Des marches se déployèrent du dessous et ils montèrent à bord.

Ils se retrouvèrent tous les cinq entassés dans un étroit cockpit, avec une console de pilotage dont Briand actionna les boutons, et l'engin décolla doucement avec un doux sifflement.

"Intéressant, c'est américain, japonais ou coréen ?" demanda-t-il d'un air détaché.

"Aucun, nous avons utilisé la technologie et des matériaux de notre planète," répondit Briant, "et elle fonctionne sur un principe scientifique encore inconnu chez vous, à vrai dire, nous savons faire beaucoup mieux. Elle n'est conçue que pour voler dans l'atmosphère terrestre, il serait impossible de voyager dans le vide interplanétaire avec. Pour cela, nous avons de vrais vaisseau spatiaux, d'ailleurs, nous allons en rejoindre un qui est posé un peu plus loin."

"Dévoiler votre existence ?"

"Exactement, nous allons vous expliquer tout cela."

Toujours résolu à rester sceptique, Morillon se composa une expression amusée et garda le silence tout le reste du trajet.

Ils volèrent sur plusieurs kilomètres vers le nord jusqu'à une clairière où était posé un vaisseau d'allure archaïque de la taille d'un yacht, sa forme fuselée rappelait vaguement un dirigeable du début du vingtième siècle, avec ses ailerons en forme d'ailes de chauve-souris, sa coque en plaques de métal cuivré fixées par de gros écrous et ses hublots ronds comme ceux d'un antique paquebot, il évoquait les dessins de Robida.

 


"Vous vous fichez de moi ?" s'écria Morillon avec un éclat de rire, "vous croyez que votre décor de carton pâte va m'impressionner ?"

"Voici le Terfand," annonça Macron en ignorant ces remarques, "une des meilleures navettes du Galitana, notre vaisseau-mère stationné dans la ceinture d'astéroïdes, c'est celle que nous empruntons toujours pour venir sur votre planète. Malgré son aspect qui vous parait rétro, c'est une merveille de technologie : elle peut voler en vitesse de distorsion, elle est pourvue d'un champ magnétique artificiel, d'une gravité artificielle, d'un champ d'inertie, d'un champ de contention, l'oxygène est fourni par les synthétiseurs qui peuvent en produire à l'infini, ainsi que de l'eau et de la nourriture, les cristaux de dilithium qui alimentent les moteurs peuvent durer plusieurs dizaines d'années, de plus, elle comprend des lieux de vie et un service médical complet qui permet de vivre très longtemps en autarcie si nécessaire."
"Oooh !" fit ironiquement Morillon, qui commençait à trouver que pour une mise en scène, çà allait quand même loin, ces farceurs avaient décidément beaucoup investi pour une simple blague, quelle chaine de télévision était prête à débourser tant d'argent uniquement pour le piéger ?
Ils montèrent par une plate forme qui s'était déployée à leur approche, une fois à l'intérieur, Morillon dut se rendre à l'évidence que ce n'était pas un décor de carton pâte comme il l'avait cru, le vaisseau était un véritable assemblage de métaux divers et d'essence de bois précieuses, il était en train de traverser les couloirs d'un vaste bâtiment avec des tuyaux cuivrés formant des coudes et des jonctions le long des murs, il passa devant plusieurs pièces contenant des appareillages complexes jusqu'à l'endroit que ses hôtes appelaient "poste de pilotage", Macron s'installa devant un tableau de commandes en acajou, ou d'une essence de bois similaire, avec des leviers en ivoire et des touches de nacre qu'il se mit à actionner.

En regardant par un hublot, Morillon se rendit compte que l'incroyable engin dans lequel il venait d'embarquer décollait, puis il fila tout droit vers le ciel sans qu'il ne ressentisse le moindre déplacement ni la moindre accélération. Il essaya de se persuader que c'était un habile trucage, une vidéo projetée sur les hublots, mais il commençait à soupçonner que tout cela était bien réel, et son angoisse, qui s'était quelque peu estompée, se ranima vivement.

Avec stupéfaction, il constata qu'ils sortaient de l’atmosphère et en un rien de temps, ils se dirigèrent vers la Lune, la dépassèrent et bientôt, un disque rouge orangé se mit à grossir dans le hublot, c’était déjà la planète Mars. Quatre vingt millions de kilomètres venaient d’être franchis comme on enjambe le seuil d’une maison. Mais le vaisseau continua sans s'arrêter, la planète Mars passa comme un poteau devant la fenêtre d'un train, ils volèrent encore quelques minutes puis ils ralentirent.

Morillon était sans voix, il avait abandonné sa bravache contenance et son air suspicieux, son angoisse était maintenant mêlée de curiosité.

Ils s'approchaient d'un astéroïde qui flottait devant eux dans le vide et s'arrêtèrent à quelques mètres. Une ouverture rectangulaire lumineuse se découpa dans la roche, révélant un hangar où ils s'engagèrent, un ruban d'éclairs crépitants se dessina autour de la navette, la balayant sur toute sa longueur à mesure qu'elle franchissait l'entrée, ce phénomène révélait le champ de contention qui empêchait l'air de s'échapper.
Une fois qu'ils furent à l'intérieur, Macron coupa les moteurs, il ouvrit la porte, la plate forme se déploya et il invita Morillon à descendre.

 


Le hangar était immense, éclairé par une lumière blanche aveuglante, autour de lui, il distingua une dizaine d'autres vaisseaux semblables au Terfand stationnés en rangs. Il mit sa main devant ses yeux le temps qu'ils s'accoutument à cette clarté presque surnaturelle, puis il vit l'espace ouvert devant lui à travers le champ de contention. Il s'avança en tendant la main, mais Briant lui saisit le bras.

"Ne faites pas cela !" lui cria-t-il, "si vous sortez votre main, elle va geler instantanément. Éloignons nous d'ici, le champ de contention laisse passer des radiations auxquelles il vaut mieux éviter de s'exposer."

Comme dans un rêve, tandis que les lourdes portes du hangar se refermaient sur le vide spatial, il suivit les deux hommes dans un dédale de couloirs aux murs sillonnés de tubes cuivrés, comme sur le Terfand, et ils croisèrent des personnes en tenue militaire qui le regardaient avec curiosité.

À un moment, ils empruntèrent une sorte d'ascenseur ultra rapide où, là non plus, il ne ressentit aucune accélération. Après avoir franchi plusieurs niveaux et quelques autres couloirs, ils pénétrèrent dans une grande salle aux murs couverts d'écrans et de consoles avec des hommes et des femmes en uniforme qui s'affairaient dessus, c'était la passerelle
Ce qui le frappait, c'était le style vieillot de l'ensemble ; l'ameublement, les vêtements et la technologie pourtant en avance de plusieurs millénaires sur la nôtre. L'ensemble avait un cachet "steampunk" qui évoquait les livres de Jules Verne.
Les structures des consoles de commandes étaient en bois verni, les parties métalliques avaient une couleur cuivrée, les manettes et les boutons étaient en ivoire et en nacre, les sièges étaient en velours matelassé, des tentures brodées décoraient les murs, les uniformes de l'équipage avaient un style qui rappelait le dix neuvième siècle européen. Il se serait cru dans le Nautilus du Capitaine Némo ou l'Albatros de Robur le Conquérant.

 


C'en était trop, Morillon était livide, au bord de la syncope, Macron lui tendit un objet qui ressemblait à un inhalateur de Ventoline :
"Prenez," lui dit il, "çà ira mieux."
Morillon inhala une bouffée et il se sentit plus détendu.
"Qui êtes vous ?" articula-t-il enfin.
"Je suis le Prince Ochonios," répondit Macron, "et voici mon frère, le Prince Pandital, nous venons de la planète Galita, à six ou sept années-lumière de votre système, autant dire dans le voisinage. Nous sommes les fils de l'Empereur Erkenios II. Évidemment, tout cela ne vous dit rien, puisque nous n’avons, jusque là, jamais eu de contact officiel avec votre planète."
"Où sommes nous ?"
"Nous nous trouvons actuellement dans la ceinture d’astéroïdes, à cinq cent millions de kilomètres de la terre."
"Non, " répondit Morillon qui trouvait déjà cette information banale, peut être grâce à l'inhalation qu'il venait de prendre, "
je veux parler de cet endroit, la structure à l'intérieur de laquelle nous sommes."
"Nous sommes à bord du Galitana," répondit Ochonios, "c'est notre vaisseau-mère, comprenant cinq mille personnes à son bord, essentiellement des soldats, des scientifiques et des techniciens. Il mesure une dizaine de kilomètres d‘envergure, comme vous l'avez constaté, il est aménagé à l'intérieur d'un astéroïde évidé où l'on a placé les moteurs, les salles de contrôle et les différents lieux de vie.
"Il n'y a pas de meilleures protections contre les radiations cosmiques," expliqua Pandital, "cette protection est renforcée par un champ magnétique artificiel qui joue le rôle d’une ceinture de Van Allen miniature, il éloigne aussi les météorites en déviant leur course si elles s’approchent trop. Certaines percutent quand même le vaisseau, mais la masse de pierre dont il est fait absorbe généralement bien le choc."

 


"Cela présente un autre avantage," ajouta Ochonios, "nous pouvons nous placer en orbite dans votre système solaire en toute discrétion. Si, par le plus grand des hasards, un astronome détectait notre présence, il croirait à un astéroïde encore non répertorié, alors il nous répertorierait, nous donnerait un nom amusant et nous ajouterait à la liste des corps de la ceinture d'astéroïdes."
"Vous aurez sans doute constaté que nous ne sommes pas en apesanteur, nous générons un champ de gravité artificiel reproduisant celle de notre planète, qui est quasiment la même que celle de la Terre.  Nous utilisons aussi un champ d’inertie."
"Un champ d'inertie." répéta Morillon.
"S'il n'y avait pas de champ d'inertie," expliqua Ochonios, "les occupants du vaisseau seraient écrabouillés contre les parois lors des accélérations supra-luminiques.
"Je vais vous présenter l'équipage," lui dit Pandital, "tout d'abord, voici le capitaine Épatil, commandant de ce vaisseau."
Épatil était un homme mince, d‘âge mur, le front dégarni avec une couronne de cheveux gris entourant sa nuque, il fit un signe de tête que lui rendit poliment Morillon.
"Le lieutenant Dore," continua Ochonios, notre officier scientifique."
Il ne s'agissait pas d'un humain mais d'un androïde au teint pâle qui le salua silencieusement de la tête.
"Monsieur Dore est un homme artificiel," commenta Pandital, "mais il possède les mêmes qualités qu'un véritable humain."
"Et les mêmes défauts." ajouta l'intéressé non sans humour.
En lui présentant un individu à la peau matte, grand, musclé, aux larges épaules, avec un front proéminent, le nez écrasé et de longs cheveux noirs qui lui tombaient sur les épaules, portant une bandoulière brodée d'or en travers du torse en plus de l'uniforme galitien.
"Le lieutenant Skop, notre officier de la sécurité," enchaina Ochonios, "et enfin, le lieutenant Elian notre ingénieur en chef."
C'était un homme noir de taille moyenne, il portait ce qui ressemblait à des lunettes de soudeur, avec des verres sombres et épais, Morillon ne pouvait s'empêcher de se demander s'il voyait clair avec çà.
Une fois les présentations faites, il osa une observation :
"Vous parlez dans votre langue, et pourtant je vous comprends, comment cela est il possible ?"
L'androïde, monsieur Dore, répondit à sa question :
"Il s'agit d'un traducteur universel, comme on en voit souvent dans vos films de science-fiction, cela consiste en un appareillage qui envoie une onde vers votre cerveau pour vous donner une parfaite compréhension de ce qui se dit, en contrepartie, mes compagnons perçoivent une onde semblable qui leur permet de comprendre ce que vous dites dans votre propre langue. Quant à moi, en tant que forme de vie artificielle, mes processeurs contiennent toutes les langues connues de l'empire et de votre planète, c'est pourquoi je m'adresse à vous directement en français."
"Vous venez tous de monde différents ?" demanda Morillon.
"En effet," répondit Elian, " je viens de Galita comme les Princes Ochonios et Pandital et notre capitaine, mais le lieutenant Skop est natif d'une planète colonisée par l'empire, ils est aussi humain que vous et moi, en dépit de quelques différences propres aux habitants de son monde d'origine."
"Il semble que la vie ait évolué à peu près de la même manière dans l’univers," expliqua Ochonios, "preuve en est notre physique similaire au votre, nous n’avons même pas besoin de nous déguiser pour nous mêler à vous. Vous aviez raison sur ce point : les extraterrestres vous ressemblent beaucoup."
"Et la terre, dans tout çà ?" se hasarda à demander Morillon.
"Elle n’appartient pas à l’Empire, d'ailleurs, notre père ne s'y intéresse pas, de plus, elle est protégée par une directive interdisant toute interférence avec une civilisation étrangère. Cependant, nous comptons détourner cette directive pour
la coloniser à notre compte."
"Hein ?" s’écria Morillon.
"N’ayez pas peur," intervint Ochonios, "nous voulons préserver les habitants, qui travailleront pour nous. En retour, nous leur assurerons la sécurité matérielle, la mise à disposition de notre médecine et une partie de notre technologie. Croyez moi, votre peuple va connaître un véritable Âge d’Or tel que vous l'avez promis."

 


"Mais nous serons vos esclaves."
Pandital haussa les épaules :
"Esclaves, c'est un bien grand mot, disons nos sujets, mais la qualité de vie des terriens va tellement s’améliorer qu’ils seront heureux de nous être asservis."
"Qu’attendez vous de moi ?"
"Nous allons nous aider mutuellement ; en révélant notre existence aux terriens et en nous faisant passer pour les Séraphim dont vous parlez, vous gagnerez ainsi une crédibilité dont vous avez cruellement manqué jusque là et la gloire, n'est ce pas une idée séduisante ? Qui n'aime la gloire, même basée sur une supercherie ?"

Malgré lui, Morillon caressait cette séduisante perspective et devint pensif quelques minutes. la voix de Pandital le fit revenir à lui :

"Il faudra nous présenter comme des sauveurs, ce que nous serons en fait, car vous êtes plutôt mal partis avec vos industries salissantes et l’atome que vous maniez à tort et à travers. Il est très probable que nous vous épargnions de terribles catastrophes. Les nations seront abolies au profit d'un gouvernement planétaire unique et vous deviendrez le Gouverneur Général, vous instaurerez alors votre "démocratie sélective" au n'importe quel autre régime à votre convenance."

"Comment comptez vous procéder ?"

"Tout d'abord, comme je vous le disais, il va falloir révéler notre existence à l'humanité, c'est vous qui en serez chargé, depuis des années, vous racontez des histoires sur les extraterrestres auxquelles personne ne croit, hormis vos fidèles. Jusque là, vous avez été incapable de fournir la moindre preuve de ce que vous disiez, mais aujourd'hui, grâce à nos moyens technologiques, vous en avez enfin l'occasion."

"Vous allez organiser une conférence de presse à Montréal la semaine prochaine," continua Ochonios, "vous inviterez deux cent journalistes , vous aurez soin de choisir les plus renommés, pour donner encore plus d'impact à l'évènement. Comme ils rechigneront sans doute à se déplacer pour vous écouter, vous ferez parvenir à chacun d'eux un billet d'avion en première classe, une réservation dans un hôtel de luxe et une carte de crédit illimité qu'ils pourront utiliser à volonté, vous mettrez même des limousines à leur dispositions pour les conduire sur les lieux de la conférence, ne vous inquiétez pas, nous financerons tout, ce n'est pas un problème pour nous."

"Et ensuite ?"

"Ensuite, vous ferez votre conférence, elle commencera à onze heures du matin, vous vous débrouillerez pour la faire durer une heure, le temps de nous préparer, puis cinq minutes avant midi, vous annoncerez notre présence, et à midi pile, nous apparaitrons dans le ciel de Montréal avec une myriade de soucoupes volantes semblables à celle dans laquelle vous êtes monté.  Actuellement, nous en construisons quelques centaines quelque part dans un endroit isolé de la terre. Une partie seront pilotées par nos soldats, les autres seront téléguidées et grâce à des projecteurs holographiques, nous démultiplierons leurs images de manière à donner l'impression qu'il y en a des milliers. Les habitants de Montréal ne manqueront pas de filmer l'évènement avec leurs téléphones portables et en un rien de temps, leurs vidéos auront fait le tour du monde, dès lors, l'existence des extraterrestres ne fera plus aucun doute."

"Et alors ?..."

"Alors," dit Ochonios, "nous ferons comme dans les films de science-fiction, nous prendrons le contrôle des chaînes de télévision du monde entier, rien de plus facile pour nous, et nous diffuserons un message de paix."

"Ensuite ?"

"Ensuite, nous organiserons une assemblée extraordinaire au siège de l'ONU à New York  devant la presse du monde entier, vous monterez en premier à la tribune en tant que chef de l'Église Néo-Évhémériste Isarienne, et vous me présenterez comme le Séraphim nommé Eluel, ce personnage que vous dites avoir rencontré autrefois, et auquel je ressemble plus ou moins, d'après vos descriptions. Puis je monterai à mon tour à la tribune, j'annoncerai l'avènement de l'Âge d'Or que vous aviez promis, et dès lors, nous serons assurés d'être perçus comme des sauveurs et d'exercer notre autorité sans rencontrer de résistance."
""Et si je refuse ?"
"Tant pis," répondit Ochonios, "tant pis pour les terriens. Si vous ne nous aidez pas, nous coloniserons quand même la terre, mais çà se fera de manière plus brutale. Si vous nous aidez, çà se fera à la manière douce. Mais d’une manière ou d’une autre, çà se fera, vous n’avez pas vraiment le choix. Alors, acceptez vous ?"
Isar baissa la tête et répondit à mi-voix :
"Oui."

 

Les princes extraterrestres

 

Ochonios et Pandital séjournaient sur notre monde depuis quelques années, Galita, leur planète d'origine, était très semblable à la Terre en taille, en masse, en gravité, en composition atmosphérique et sur le plan de la faune comme de la flore.
Les deux jeunes gens menaient un grand train de vie grâce à l'or et aux pierres précieuses dont ils disposaient en abondance. Inutile de préciser qu'ils étaient très riches, même si  chez eux le système monétaire avait été aboli depuis longtemps, grâce à l'énergie inépuisable et bon marché de la fusion à froid qu'ils avait découverte des millénaires auparavant, et surtout aux synthétiseurs qui produisaient nourriture et matières premières gratuitement à volonté.
De ce fait, personne sur Galita ni aucune de ses colonies ne connaissait la misère. Mais il existe d'autres formes de misère qui frappaient la majeure partie des habitants de l'empire.

 


La véritable richesse sur Galita, c'était le pouvoir, la société était divisée en castes, un peu comme dans l'Inde ancienne, à chaque métier ou fonction correspondait une caste. La caste la plus basse, c'était celle des esclaves, condamnés à servir les castes supérieures indéfiniment de génération en génération.
Ensuite, on trouvait les castes ouvrières, beaucoup travaillaient dans des mines sur des lunes inhabitées, où ils extrayaient des minerais impossible à synthétiser servant à la technologie sophistiquée de Galita. Les autres étaient répartis dans les diverses structures industrielles de la société pour la maintenance des différents systèmes.
Puis il y avait la caste des soldats, celle des artistes, celle des fonctionnaires, celle des scientifiques, le clergé (il pratiquaient un monothéisme syncrétisé depuis très longtemps devenu religion d'état) et enfin la noblesse qui détenait le pouvoir dont faisaient partie Ochonios et Pandital. Leur père n'était rien de moins que l'empereur, Erkenios II,  qui régnait sur Galita ainsi que sur une douzaine de mondes répartis dans plusieurs systèmes solaires.
Des millions d'années lumière les séparaient les uns des autres, mais la civilisation galitienne maitrisait la vitesse de distorsion depuis longtemps, ce qui lui avait permis de construire un empire occupant une vaste portion de l'espace interstellaire, même si sa taille restait dérisoire comparée au reste de la Voie Lactée.
La Terre se trouvait aux abords de cette portion, mais elle n'avait jamais été annexée. Non pas qu'elle était inconnue des astrophysiciens de Galita ni que le gouvernement s'en désintéressait, mais elle était sous la protection d'une très ancienne loi interdisant de coloniser un monde déjà habité par une forme de vie intelligente. Bien entendu, par le passé, cette loi avait été maintes fois contournée par d'habiles juristes.

 


La preuve, les colonies galitiennes étaient toutes habitées par des formes de vie intelligentes avant leur conquête, des formes de vie humaines tout comme les galitiens et les terriens. Ces planètes, qui avaient toutes approximativement la même taille, la même masse, la même gravité, la même composition atmosphérique, la même faune et la même flore que la Terre et Galita, gravitaient toutes à une distance équivalente autour d'une étoile similaire au soleil et possédaient toutes une ou deux lunes qui stabilisaient leurs orbites
Bien que la Terre fut mal protégée par une loi de non-intervention qui n'avait pratiquement jamais été respectée, elle ne risquait pas grand-chose, car les galitiens estimaient qu'elle ne valait pas la peine d'être colonisée.
En effet, selon les spécialistes, les habitants de cette planète la rendaient de plus en plus inhabitable à cause de leurs industries polluantes, à tel point qu'elle était condamnée à court ou moyen terme.
Deux options se présentaient ;  attendre que toute vie en eut disparu pour la re-terra former ou bien, dans un objectif purement humanitaire, faire une fois de plus, l'impasse sur la loi et la coloniser sans tarder.
Grâce aux moyens techniques de Galita, il eût été facile de nettoyer toute cette pollution chimique et radio active, la Terre et ses habitants eurent ainsi été sauvés.
Mais Erkenios II n'était intéressé par aucune de ces options, son empire actuel lui suffisait et il ne manifestait pas l'ambition de l'étendre plus.
Ses fils étaient destinés à lui succéder, du moins l'un des deux, il allait falloir choisir un jour, mais la question n'était pas encore d'actualité, l'empereur avait la cinquantaine, il était en pleine forme et il était parti pour vivre au moins trois fois aussi longtemps. La médecine galitienne avait vaincu pratiquement toutes les maladies, elle savait réparer les blessures les plus graves et ralentir considérablement le vieillissement.
Dans l'immédiat, ce qui intéressait le plus les deux princes, c'était se distraire, passer le temps en attendant l'heure de la succession. Ils s'ennuyaient énormément, au point qu'ils ne pouvaient plus fréquenter les maisons closes de Galita ni de ses colonies sous peine de se faire assassiner, étant nobles et princes héritiers de surcroît, ils n'étaient déjà guère aimés, mais en plus, ils déclenchaient toutes sortes d'esclandres et de scandales qui provoquaient à chaque fois des arrestations et des exécutions en masse.

 


Hormis les maisons closes, une de leur grande passion était la chasse. Chez eux, ils pratiquaient une version de la chasse à cour très semblable à celle de la Terre, où ils traquaient un animal des heures, voire des jours durant. C'était une passion destructrice, ils ravageaient systématiquement des champs et des terrains entiers avec leur équipage de chevaux et de chiens, ce qui contribuait à les faire détester encore plus.
Ce qui ajoutait à leur impopularité, c'était encore une autre des leurs passions ; le duel. Duel à l'épée ou au mousquet à plasma, qui suivaient des règles similaires à celles des duels des temps anciens sur la Terre. Régulièrement, souvent suite à une soirée trop arrosée, ils provoquaient des inconnus et les invitaient au champ d'honneur à l'aube avec deux témoins. Invitation impossible à refuser, au risque d'être tué tout de suite. Généralement, les princes gagnaient, mais il arrivaient parfois qu'ils fussent blessés, leur vainqueur était alors arrêté, jugé et condamné à mort pour atteinte à une personne princière
Sur la Terre, personne ne les connaissait, ils étaient donc libres d'y faire ce qu'ils voulaient. Ils fréquentaient surtout les grandes métropoles comme Las Vegas, Paris ou Rio de Janeiro.
Bien qu'ils fussent jumeaux, ils étaient très différents, Ochonios était légèrement plus grand que Pandital, glabre avec de longs cheveux blonds qu'il attachait souvent en catogan derrière la nuque, son teint était pâle et ses yeux étaient d'un bleu profond.
Pandital, lui, avait les cheveux bruns coupés courts, un discret collier de barbe soigneusement taillé, sa peau était mate et il avait les yeux noisette.
Ce qui les distinguait aussi, c'était leur caractère ; Ochonios était impulsif et s'emportait facilement, tandis que Pandital était plus calme et plus raisonné.
Selon le décompte terrestre, ils avaient une trentaine d'années, leur aspect était séduisant et parfaitement humain. Ils l'étaient en fait, mais c'étaient des humains d'un autre monde.
Il était difficile de les différencier des humains de la terre, peut être par leurs yeux en amande, légèrement plus grands que l'ordinaire, qui pouvaient faire croire à des origines asiatiques et leur poitrine plus large.
L'humanité avait évolué sensiblement de la même manière un peu partout où l'on trouvait des formes de vie intelligente, les autochtones des colonies de l'empire n'échappaient pas à la règle, leurs morphologies, hormis quelques différences mineures, étaient quasi semblables à celle des terriens et des galitiens, et tous étaient inter-fécondables les uns avec les autres.
Ochonios et Pandital connaissaient assez bien nos mœurs et nos coutumes, ils suivaient l’actualité à la télévision, à la radio, dans les journaux et sur internet. Ce monde divisé en une multitude de nations rivalisant les unes avec les autres présentait un grand avantage, ils pouvaient mieux se dissimuler que sur un monde avec un gouvernement planétaire unique comme le leur.
Ainsi, ils pouvaient pratiquer la chasse à cour dans des pays pauvres trop heureux de recevoir leur or et leurs pierres précieuses en compensation. Quant aux duels, la Terre ne manquait pas de zones de guerre où ils pouvaient s'y livrer sans que çà se remarque.
Peu à peu, l'idée germa de s'emparer de notre globe pour en faire leur propre colonie, indépendamment du pouvoir officiel de Galita.
Ils avaient chacun leur armée privée et disposaient d'un vaisseau spatial de la flotte impériale ; le Galitana. Lors de leurs visites, ils le plaçaient en orbite autour du soleil au niveau de la ceinture d'astéroïdes, puis ils se rendaient sur Terre à bord du Terfand, ce qui ne leur prenait que quelques minutes.
Bien que peu nombreuses, leurs troupes stationnées à bord du Galitana dépassaient en puissance celles de toutes les nations terrestres réunies. Ils pouvaient s’emparer de la planète quand bon leur semblait,
Leur armement pouvait raser un continent entier en quelques secondes, mais ils ne comptaient pas s'en servir, leur but était de prendre possession d’un monde en bon état et d’une population en vie pour les servir.
Ochonios était partisan d'une invasion militaire basée sur l'intimidation, avec une utilisation limitée d'armes de destruction massive, tandis que Pandital préconisait une approche plus subtile.
Selon lui, il valait mieux que la population les accueille en sauveurs plutôt qu‘en conquérants. Les spécialistes galitiens avaient raison, cette planète était condamnée dans un assez proche avenir, les industries avaient souillé l'air et l'eau, provoquant la disparition de milliers d'espèces et un dérèglement climatique qui commençait à prendre des proportions apocalyptiques.
En plus, ils s'obstinaient à construire de primitives et dangereuses centrales nucléaires qui mettaient toute la planète en danger, uniquement parce que ce moyen de produire de l'énergie était bon marché, sans se soucier des conséquences pour les générations suivantes. Ils n'avaient pas encore découvert la fusion à froid plus rentable et non polluante, et malheureusement, çà n'en prenait pas le chemin.
De nombreuses régions du globe étaient empoisonnés ou irradiées suite à des accidents industriels, ses habitants étaient pourtant conscients d'être pris dans une spirale descendante qui les précipitait vers la mort, mais ils feignaient de l'ignorer.
Sans même parler des guerres incessantes et du terrorisme qui aggravaient encore la situation.
À priori, Pandital avait raison, il n'y avait pas besoin de conquérir cette planète par les armes, les habitants seraient trop heureux d'accueillir des envahisseurs qui instaureraient la paix et nettoieraient leur monde de toute sa pollution.
Ochonios finit par se rallier à cette idée, la question était : comment se présenter aux habitants de la Terre ? Se poser devant la Maison Blanche comme dans les films hollywoodiens ? Survoler les grandes villes en diffusant un message dans toutes les langues par haut parleurs ? Prendre le contrôle des chaînes de télévision, des stations de radio et d'internet ?
Dans tous les cas, cela allait provoquer la panique, l'idéal était de trouver un intermédiaire, un médiateur qui pourrait préparer l'humanité à leur venue. Il y en avait justement un tout désigné pour jouer ce rôle : Morillon.
Ils avaient déjà entendu parler de lui par les médias, mais ils ne s'y étaient pas vraiment intéressés jusqu'à ce jour. Ils avaient consulté internet pour se renseigner sur lui, la plupart des sites en parlaient avec hostilité ou dérision, hormis celui de son église.
Ils avaient scrupuleusement étudié son histoire et sa doctrine, que le grand public connaissait assez bien dans l'ensemble, pour échafauder leur plan. Il s'agissait de se faire passer pour les "Séraphim", ces extraterrestres qu'il prétendait avoir rencontrés, les terriens enfin convaincus, ils pourraient alors s'installer tranquillement forts de leur confiance.
En tant que simples touristes, ils avaient appris la langue anglaise, car c’était la plus couramment utilisée dans ce monde. Mais il leur fallait maintenant apprendre le français, car "l’Intendant" des extraterrestres ne savait malheureusement pas parler l’anglais.
La technologie de l’Empire avait développé les traducteurs universels mais aussi des méthodes d’enseignement accéléré où, grâce à des ordinateurs organiques sophistiqués, l’on implantait les connaissances directement dans le cerveau. Mais la méthode n’était pas sans risque et il valait mieux ne pas en abuser.
Pour se faire de faux papiers, il leur fut très facile de modifier les bases de données terrestres pour s’attribuer les identités des journalistes Macron et Briant et leur donner une existence bien réelle sur internet.

 

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14 novembre 2016 1 14 /11 /novembre /2016 08:54

Son Smartphone mugissait sur sa table de nuit, il l'avait mis en silencieux, mais le meuble amplifiait la vibration comme une caisse de résonnance et cela le réveilla.  Il faisait jour, quelle heure était il ?

 


Ménuin attrapa le téléphone d’un geste rageur et prit la communication : c’était René Printemps, un collègue journaliste qui travaillait pour un grand quotidien belge.
"Salut, mon vieux, çà roupille ?"
"Ouais, je me suis couché tard. J’ai fait un drôle de rêve. Quelle heure il est ?"
"Çà dépend, à Montréal ou à Paris ?"
"Pourquoi ? Tu es à Montréal ?"
"Ouaip, et normalement, tu devrais y être aussi."
"Qu’est-ce que tu racontes ?"
"T’es pas au courant ? Ton vieil ennemi Isar alias Etienne Morillon, le gourou qui prétend communiquer avec les extraterrestres, eh bien il donne une conférence de presse dans trois jours, ici, à Montréal, il a invité deux cent journalistes du monde entier, dont toi et moi. »
"Ah oui ? »
"Il a du t’envoyer une invit’ »
"Je sais pas," répondit Ménuin, "j’ai pas regardé mon courrier."
"T'as pas reçu un e mail en début de semaine ?"

"Si, je crois, mais je l'ai pas ouvert, j'en ai un peu ma claque de Morillon."

"Eh bien, jette un œil."
Ménuin ramassa son PC, toujours en veille, par terre à côté de son lit. Effectivement, il avait reçu un message de l'Église Isarienne daté du début de semaine
, alors il dit à Printemps :

"Je viens de me réveiller, l'écran me fait mal aux yeux, tu peux me dire de quoi il s'agit cette fois ? Encore un bébé cloné ? »
"Aucune idée, en tous cas, il affirme qu'il va faire une révélation extraordinaire et qu’il en apporterait les preuves. D'après lui, il s'agit de quelque chose qui va bouleverser l'humanité. Viens me rejoindre, on verra ensemble ce que c'est."
"Non," répondit Ménuin, "j'ai pas trop envie de me faire chier à aller à Montréal écouter les conneries de Morillon, en plus, le CA de ma chaîne va faire la gueule si je me paie un billet d'avion pour le Canada à ses frais."
"Pas besoin, il t'a envoyé un billet de première classe sur un appareil de la Fly Emirates, avec une réservation dans un grand hôtel et une carte de crédit American Express, regarde ton courrier."
Ménuin se leva et se mit à chercher dans des enveloppes étalées par terre ; tout le courrier qu'il avait reçu depuis presque un mois et qu'il n'avait toujours pas ouvert. Une enveloppe se distinguait des autres par le timbre à feuille d'érable rouge.

 


Il l'ouvrit et en sortit une lettre à en-tête de l'Église Néo-Évhémériste Isarienne avec son symbole : une étoile de David insérée dans un triangle accompagnée d'un billet de la Fly Emirates aller-retour Paris-Montréal, ainsi que la réservation d'une suite dans un grand hôtel de la ville, tous frais payés d'avance et une carte de crédit American Express à son nom.
Il reprit Printemps au téléphone :
"Tu as raison, je l'ai reçu il y a quelques jours. Où a-t-il trouvé le fric pour tout çà ? Il se fait vraiment pas chier. Ça me surprend qu'il m'invite."
"Il a pas l'air de trop t'en vouloir."
"Après tout, je lui ai rendu service, bien involontairement. Eh bien, je crois que je vais lui rendre la politesse et te rejoindre, on pourra mener la grande vie pendant trois jours à ses frais. Et puis j'ai rien d'urgent sur le feu en ce moment."
Il commença à rassembler ses affaires disséminées dans l'appartement qui gardait les traces d'une vie de famille passée. Une dizaine d'années auparavant, son épouse et leur fille de dix ans s'étaient tuées dans un accident de voiture, alors qu'il était en reportage en Afrique.
Sa petite Tiphaine aurait eu vingt ans aujourd'hui, il se hâta de chasser cette pensée, il ne s'était jamais remis de cette tragédie,  et il se réfugiait dans son travail de journaliste d'investigation pour oublier.


Il y avait de cela trois ou quatre ans, Grégoire Ménuin avait mené une enquête sur l'Église Néo-Évhémériste Isarienne, la secte d'Etienne Morillon, qui se prétendait le porte-parole d'une race extraterrestre. Ses recherches avaient révélé non seulement une importante fraude fiscale mais aussi une affaire de pédophilie qui mit à mal le gourou, au point de l'obliger à quitter la France pour échapper aux poursuites judiciaires.
Il s'était réfugié au Canada, où il avait rencontré une audience encore plus favorable qu'en France et où les portes du reste du continent américain s'ouvrirent à lui, notamment les très excentriques États Unis toujours friands de ce genre de personnage.

Du coup, son église prospéra plus que jamais, il ouvrit des succursales à New York, Phoenix, San Francisco et même à Salt Lake City, en pleine terre mormone. Le pire, c'est que c'était Ménuin l'artisan de cette réussite, comme il l'avait précisé, un artisan bien involontaire.

 

 

La conférence de presse

 

 

Morillon avait publié l'annonce de sa conférence de presse sur le site de l'Église Néo-Évhémériste Isarienne et les autres médias avaient relayé l'information. À grands frais, il avait convié deux cent des plus éminents journalistes du monde entier, dont Grégoire Ménuin, son ennemi juré.

La plupart d'entre eux n'auraient jamais daigné se déplacer pour écouter un farfelu comme Morillon, c'était pour eux une insulte, eux qui étaient habitués à couvrir des sujets autrement plus prestigieux que les divagations d'un illuminé. Mais Morillon offrait à chacun un aller-retour en première classe sur une ligne de la Fly Emirates, trois nuits en pension complète dans un hôtel de luxe et une carte American Express à leur nom avec un crédit illimité pour leurs loisirs durant les jours qui précédaient la conférence de presse.

Il n'y avait pas à dire, il faisait les choses en grand. Où donc avait il trouvé l'argent pour se permettre de telles largesses ? Les cotisations et les dons des disciples n'y auraient suffi, même s'ils assuraient une manne financière confortable, quelque milliardaire excentrique avait peut être financé tout cela.

Quoiqu'il en fut, s'il déployait de pareils moyens, c'était pour dire quelque chose d'important, et partout dans le monde, dans les shows télévisés, sur les réseaux sociaux ou en privé, les conversations allaient bon train sur le gourou aux extraterrestres et sur ses lubies. On se demandait ce qu'il allait annoncer, il avait laissé entendre que ce serait une révélation qui allait bouleverser l'humanité.

Seulement, on connaissait la chanson ; la dernière fois qu'il devait faire une révélation sensée bouleverser l'humanité, c'était pour annoncer la naissance d'un bébé cloné. Comme sa secte finançait des recherches en génétiques, c'était plus ou moins crédible, et en dépit du scepticisme général, on avait espéré quelque chose de significatif à l'époque.

Mais il ne s'agissait que d'une supercherie, une vulgaire supercherie telle que l'on aurait du s'attendre de sa part. Les journalistes qui s'étaient déplacés ce jour là aux frais de leurs agences étaient furieux de s'être dérangés pour rien, et avaient juré de ne plus se laisser avoir par ce charlatan.

Personne ne le prenait plus au sérieux, bien que secrètement, chacun avait envie de savoir ce qu'il avait inventé cette fois ci. S'il n'avait offert ces deux cent billets d'avion en première classe, ces deux cent cartes de crédit illimité et ces six cent nuits d'hôtels de luxe, il est fort probable que Morillon se fut retrouvé devant une salle vide.

 

Ménuin et Printemps furent tous les deux logés au Ritz Carllton de Montréal, pendant trois jours, ils menèrent une vie de nababs grâce aux cartes de crédit offertes par le généreux gourou, puis, le jour venu, une Limousine avec un chauffeur en livrée vint les prendre à leur hôtel et les emmena à l'endroit où devait avoir lieu la conférence de presse.

Étrangement, ce n'était qu'une simple salle des fêtes dans le centre-ville de Montréal, ils étaient tous surpris de la sobriété et de la modestie de la réception, il n'y avait même pas de buffet. De la part de Morillon, ils étaient habitués à une mise en scène pompeuse et tonitruante, avec maquette de soucoupe volante, musique à la Star Trek et tout le bazar, là, on se serait cru à une réunion syndicale. Aucun décor, aucune affiche, juste des tables sur une estrade et des chaises devant.

La conférence commençait à onze heures du matin, Ménuin et Printemps étaient arrivés à dix heures et demi, dans la demi heure qui suivit, leurs collègues arrivèrent et bientôt, le panel de deux cent journalistes fut au complet. Aucun n'était absent ni en retard, tous avaient hâte de savoir de quoi il en retournait cette fois, même s'ils s'attendaient encore à une déception.
Une fois que tout le monde fut installé, Morillon en personne entra, revêtu, comme à l’accoutumé, de sa combinaison blanche avec le "symbole de l'éternité", l'étoile de David dans un triangle, brodé sur la poitrine, il était accompagné de deux hommes, vraisemblablement des membres de l'église, habillés comme lui.

 


D’habitude, quand il arrivait, il était radieux et souriant, aujourd’hui, il avait une expression grave et un air préoccupé qui détonait de son personnage.
Il s’assit avec ses compagnons à la table du podium, face aux journalistes, et commença à parler d’un ton monocorde, comme s’il lisait un prompteur sans comprendre le sens des mots. Il semblait assez agité, car il n'arrêtait pas de consulter sa montre comme s'il attendait quelque chose.

Il rappela brièvement ses théories sur les origines de la vie terrestre créée par des savants extraterrestres en laboratoire, sa rencontre avec eux trente ans auparavant et sa mission, à la lenteur avec laquelle il parlait, on sentait qu'il faisait volontairement durer les choses.

Enfin, quand il fut parvenu à combler presque une heure, il évoqua l'arrivée imminente des extraterrestres et l'avènement de l'Âge d’Or, comme il le faisait toujours dans ses conférences, mais cette fois, il ajouta :
"Ce jour est enfin venu, dans quelques minutes, vous aurez la preuve que j’ai dit la vérité."
On se serait attendu à plus d’emphase de sa part pour ce genre d'annonce, il était presque midi, les quelques minutes en question passèrent lentement, très lentement dans un silence total. Il y eut un murmure d'impatience parmi les journalistes. L’un d’eux lança :
"Alors, Morillon, elle vient, votre preuve ?"
Morillon, qui n'avait pas quitté sa montre des yeux, fit signe à l'assistance de patienter encore un peu, puis midi sonna à un clocher des environs, alors il prit une grande inspiration, et en tremblant, il dit :
"Messieurs-Dames, je vous suggère de sortir et de regarder le ciel."
À peine eut il prononcé ces mots qu’on entendit des cris, des crissements de pneus et des chocs de voitures à l’extérieur. Les journalistes lancèrent un regard inquiet à Morillon, pâle comme un mort, les yeux fermés et le front luisant de sueur.
Ils sortirent à grands pas dans la rue où régnait une panique indescriptible, les gens couraient dans tous les sens en hurlant, les voitures  s'emboutissaient les unes les autres dans un fracas métallique, des sirènes et des klaxons résonnaient de partout, c'est alors qu'il levèrent la tête et virent ce qu'ils ne se seraient jamais attendus à voir : une armada de soucoupes volantes qui emplissait le ciel comme dans un mauvais film de science-fiction.

 

 

 

-------------------

 

Au même moment, les programmes de télévision s'étaient interrompus dans le monde entier, un personnage aux long cheveux blonds était apparu sur les écrans et avait déclaré dans toutes les langues de la terre :

"Mon nom est Eluel, je viens d'une planète lointaine, j'appartiens au peuple des Séraphim, nous venons en paix !"

Puis le visage de l'étranger avait disparu et les émissions avaient repris leur cours, mais elles furent à nouveau interrompues par des flashs spéciaux retransmettant les images des soucoupes volantes qui avaient envahi le ciel canadien, suivie de cette annonce que beaucoup espéraient ou appréhendaient depuis longtemps :

"C'est officiel, nous ne sommes pas seuls dans l'univers, les extraterrestres existent et ils viennent de débarquer."

Cela avait provoqué une émotion intense dans le monde entier, les sceptiques qui croyaient encore à un canular durent bientôt se rendre à l'évidence, car l'armada de soucoupes volantes avait survolé les grandes villes de la terre ; New York,  Washington, Philadelphie, Saint Louis, San Francisco, Mexico, Rio de Janeiro, Tokyo, Pékin, Téhéran, Ryad, Jérusalem, Le Caire, Bombay, Islamabad,  Istanbul, Athènes, Rome, Berlin, Copenhague, Londres, Bruxelles, Amsterdam, Luxembourg, Paris, Madrid, Lisbonne, Rabat, Alger, Dakar,  Djibouti, Pretoria, Auckland ou Sidney pour ne citer qu'elles, mais il n'y eut pratiquement aucun endroit sur la planète où on ne les vit passer au dessus de sa tête avec un doux sifflement.

 

 

 

L'Église Néo-Évhémériste Isarienne

 

Qui était donc cet Etienne Morillon, et qu'était cette Église Néo-Évhémériste Isarienne  ? C'était ce que l'on peut, ni plus ni moins, qualifier de secte, elle comptait à peu près vingt-cinq mille membres à travers le monde, et connaissait une certaine prospérité.

Tout cela avait commencé une trentaine d'années auparavant, à l'époque, Etienne Morillon n'avait que vingt sept ans, après une courte incursion dans le milieu du show business comme chanteur de charme, il vivait à  Lyon où il exerçait le métier d'ingénieur automobile, .
Dans son livre, "La Vérité Absolue", il raconte comment, par un après-midi d'été, il rentrait chez lui en passant par une route départementale, le moteur de sa voiture s'était arrêté inexplicablement et ne pouvait plus à redémarrer.
C'est alors qu'une soucoupe volante, qui avait la forme d'une cloche aplatie argentée et très luisante, surgit de derrière une colline et vint se poser devant lui. Une sorte de trappe s'ouvrit en dessous et un escalier se déplia, par lequel descendit un individu que Morillon décrit comme un homme de taille moyenne vêtu d'une combinaison blanche avec une étoile de David insérée dans un triangle brodée sur la poitrine. Il avait un visage allongé, imberbe à la peau très pâle, des yeux gris légèrement en amande et de longs cheveux d'un blond très clair tirant sur le blanc qui lui retombaient sur les épaules.

 


Cette description était accompagnée d'un dessin maladroit de l'auteur lui-même où il représentait l'extraterrestre devant sa soucoupe volante.
L'individu, qui se dénommait Eluel, appartenait au peuple des Séraphim et venait d'une planète située à deux cent mille années lumières de la terre, dans le Petit Nuage de Magellan. Il lui aurait révélé être déjà venu avec les siens sur la Terre, plusieurs millions d'années auparavant, alors qu'elle n'était qu'une roche stérile sans vie, sans atmosphère, bombardée par les rayons mortels de l'espace, et qu'ils l'avaient entièrement terra-formée.
Grâce à une technologie d'un niveau inconcevable pour nous, ils avaient d'abord modifié sa trajectoire autour du soleil pour la placer en zone habitable, c'est à dire suffisamment loin pour ne pas être calcinée et suffisamment près pour ne pas geler, ils lui avaient ensuite imprimé un mouvement rotatif sur un axe légèrement incliné avec des bombes nucléaires très puissantes, puis ils avaient déclenché la fusion de son noyau central et l'avaient fait tourner dans le sens inverse de sa rotation, ce qui créa le champ magnétique qui la protégeait des rayons cosmiques.
Ils avaient aussi formé son satellite, la lune, pour stabiliser son orbite autour du soleil.
Une fois tout ceci accompli, ils avaient apporté de l'eau, une atmosphère et la vie cultivée dans leurs laboratoires.
Ils avaient ainsi conçu tous les êtres vivants qui existent ou ont existé, se livrant à des expériences qui n'avaient pas toutes réussi, comme les dinosaures par exemple, avant de créer l'homme à leur image.
Par la suite, les Séraphim intervinrent à plusieurs reprises  dans l'évolution de l'humanité, nos ancêtres primitifs les prirent alors pour des dieux.
Ces "dieux" auraient été créés de façon identique par une autre race de "dieux" qui les ont précédés, eux-mêmes créés par d'autres "dieux" et ainsi de suite, formant une chaine infinie dans le temps et dans l'espace, (on retrouve un concept similaire dans la doctrine de l'Exaltation chez les mormons).

 


L'idée d'une race extraterrestre à l'origine de notre civilisation n'était pas neuve, elle était inspirée de la Théorie des Anciens Astronautes, aussi appelée Néo-Évhémérisme, en référence à Évhémère, un mythographe grec du troisième siècle avant note ère, qui pensait que les dieux de la mythologie n'étaient en fait que des humains dont on avait embelli les exploits au point de les diviniser.
C'est dans la deuxième moitié du XXe siècle, avec la vague d'apparitions d'OVNIs, qu'est née cette théorie, popularisée par Erich von Däniken mais aussi par Robert Charroux ou George Adamski, qui affirmaient que les livres religieux comme la Bible et les récits mythologiques relataient l'intervention des extraterrestres dans l'histoire humaine, avec des termes adaptés au degré d'évolution de l'époque.

 

 

Cette Théorie des Anciens Astronautes était le cœur de la profession de foi Isarienne.
Selon l'histoire officielle de l'Église, Morillon avait rencontré les extraterrestres par deux fois au cours de sa vie ; la première, il n'avait eu affaire qu'à Eluel qui lui révéla les origines de la vie sur terre. La deuxième rencontre avait eu lieu un an plus tard, après l'avoir contacté par télépathie, Eluel lui avait donné rendez vous dans une clairière isolée.
Là, il était revenu dans sa soucoupe volante et y avait fait monter Morillon pour l'emmener sur  sa planète. Selon lui, le trajet ne prit qu'un court instant, alors qu'ils franchissaient deux cent mille années lumière.
D'après Morillon, la planète des Séraphim est très semblable à la nôtre en taille, en gravité, avec la même atmosphère et une faune et une flore similaires, même s'il y a vu des êtres qui n'existent pas chez nous, notamment cet étrange petit koala bleu et vert très affectueux qui avait sauté dans ses bras à son arrivée.
Ce qui l'avait frappé, c'était l'absence totale de pollution et la nature luxuriante qui cohabitait avec des cités à la technologie ultra moderne.
La soucoupe d'Eluel avait atterri dans une clairière verdoyante parsemée d'arbres fruitiers et de fleurs multicolores, les Séraphim étaient venus l'accueillir avec de grandes démonstrations d'amitié, c'étaient des êtres merveilleux, harmonieux et pacifiques, plus tard, ils devaient lui enseigner une philosophie fondée sur le plaisir, l'amour, la connaissance et la conscience qui serait la base de sa doctrine.
A l'ombre des arbres, il y avait une grande table dressée autour de laquelle étaient installés des centaines de convives. Il fut invité à prendre place parmi eux et là, il fit la connaissance de Moïse, Jésus, Mohammed, Bouddha et de nombreux autres prophètes de l'histoire humaine qui tous, avaient été des messagers des Séraphim en leur temps. On lui expliqua qu'ils étaient toujours en vie grâce à la technique du clonage, et que que tous les humains ayant vécu sur la terre seraient un jour ramenés à la vie de cette manière, c'était la résurrection annoncée dans l'évangile.
C'est alors que les Séraphim le désignèrent comme leur nouveau prophète, et qu'il porterait désormais le nom d'Isar, ce qui signifiait "Intendant" dans leur langue. Ils lui confièrent la mission de révéler à l'humanité ses origines, lui enseigner leur mode de vie, d'encourager le progrès scientifique et technologique, mais aussi de bâtir une ambassade intergalactique destinée à les accueillir, car ils allaient revenir un jour pour inaugurer un Âge d'Or.

Ensuite, ils le ramenèrent sur Terre et repartirent aussitôt. Il ne les revit jamais depuis, mais il restait constamment en communication télépathique avec eux, ainsi, ils pouvaient continuer à lui transmettre leurs enseignements et leurs révélations.
Au début, Morillon avait réuni une dizaines de fidèles qui croyaient en son histoire, il avait appelé ce groupe "les Enfants du Cosmos" et professait ce qu'il définissait comme une "religion athée". Il avait déjà adopté le "symbole de l'éternité", celui-là même qui était brodé sur la tenue de son visiteur ; l'étoile de David insérée dans un triangle.

 

 

Plus tard, quand son mouvement prit un peu d'importance, il le rebaptisa Église Néo-Évhémériste Isarienne.
Il avait connu la consécration lors de son passage dans "Hexagone" ; il faut se rappeler qu'à l'époque, il n'y avait pas autant de chaînes qu'aujourd'hui, il n'y avait pas non plus d'internet, et que ce genre d'émission télévisée était assidument suivie par des millions de spectateurs.
"Hexagone" était un magazine de société diffusé le vendredi soir qui présentait à chaque fois une galerie de personnages plus curieux les uns que les autres ; cela pouvait être, par exemple, un cultivateur de la Gironde qui se prenait pour le Christ, un prêtre de Satan qui organisait des messes noires dans sa cave ou une voyante à qui l'esprit de Victor Hugo avait révélé que la troisième guerre mondiale allait bientôt éclater.
Morillon et son petit groupe avaient été repérés par les producteurs de l'émission grâce aux articles des journaux locaux qui en parlaient de temps à autres, et il fut invité à y participer.
On l'a vu, le milieu du spectacle ne lui était pas étranger, il savait s'adresser à un public, de plus, il avait un charisme naturel que personne ne lui contestait. Ce soir là, sur un ton posé et convaincant, il raconta son histoire en direct et ce fut un succès immédiat ; le standard de la chaine fut saturé d'appels, dans les jours qui suivirent, il reçut un abondant courrier de toute la France ainsi que de Belgique, du Luxembourg et de Suisse, il en reçut aussi d'Angleterre, d'Allemagne, des Pays-Bas et des autres pays d'Europe à qui cette soudaine renommée était parvenue, certains se déplacèrent de très loin pour le rencontrer personnellement.
En quelques semaines, le nombre de ses fidèles passa d'une dizaine à plusieurs centaines réparties dans l'Europe de l'ouest, et des succursales furent ouvertes dans les villes principales comme Paris, Bruxelles, Genève, Londres, Hambourg, ou Amsterdam...
Il fut invité de nombreuses autres fois dans des émissions de télévision et de radio, ce qui ne fit qu'augmenter son audience et son succès, il accordait des interviews à des revues mondaines et plus aucun salon ne se tenait sans lui.

Prenant soin de son image pour ses apparitions publiques, il avait adopté la combinaison d'astronaute blanche avec le symbole de sa secte brodé sur la poitrine qui allait le rendre célèbre.

Il se montrait toujours courtois envers ses détracteurs, ne se fâchait jamais, ne perdait jamais patience face aux quolibets et ne cessait de répéter inlassablement le message des Séraphim.
L'Isarisme,  cette "religion athée" affinait soigneusement sa doctrine avec le temps pour la rendre plus cohérente et plus élaborée.
Morillon ne se contentait pas de disserter sur les extraterrestres et leur rôle de créateurs, il enseignait ainsi tout un mode de vie, copié sur le leur, permettant une meilleure compréhension de leur plan céleste.
Chaque jour, à heures régulières, les Isariens devaient consacrer une demi-heure à la projection de pensées positives ; il s'agissait de se concentrer simultanément, où que l'on se trouvât, en groupe ou individuellement, et envoyer des pensées positives vers le ciel, à l'adresse des Séraphim qui les percevaient, c'était un moyen de les remercier de nous avoir fait don de la vie et de les inviter à venir au plus vite établir l'Âge d'Or sur la Terre. En retour, les Séraphim envoyaient des ondes de félicité vers la Terre que les membres de la secte affirmaient ressentir avec intensité.

Ce qui contribuait beaucoup au succès de Morillon, c'était le "Tantrisme Cosmique" qu'il faisait pratiquer à ses adeptes, cela consistait en une forme de méditation bouddhiste fortement teintée d'érotisme, selon certains témoins, ces séances tournaient souvent en orgies. Morillon affirmait que cette pratique éveillait la sensualité et rendait plus réceptif au message des extraterrestres.
Lui-même profitait beaucoup de cette libération sexuelle qu'il avait instaurée, Ménuin avait révélé qu'il exerçait ainsi une sorte de droit de cuissage sur ses plus séduisantes disciples qui se disaient honorées de partager la couche d'Isar le "Maître des Maîtres", mais qui, hélas, n'étaient pas toutes majeures, ce qui lui avait attiré les foudres de la justice et l'avait obligé à se réfugier au Canada où  aucune charge ne pesait contre lui.
Le modèle de société qu'il préconisait était basé sur ce qu’il appelait une "démocratie sélective", d’après lui, c’était le système politique en vigueur sur la planète des Séraphim. Dans une telle société, seules les personnes dotées d'un quotient intellectuel élevé pouvaient occuper des fonctions dirigeantes, il fallait un coefficient supérieur de 50% à la moyenne pour être éligible à la fonction publique, et de 10 % pour être simple électeur.
Il proposait de réaliser le paradis sur terre grâce à la technologie, en libérant les hommes du travail, le prolétariat et toute forme de main d’œuvre humaine qui serait remplacée par les robots et les ordinateurs.
L’adhésion à son mouvement impliquait un investissement financier important pour ses adeptes, qui lui cédaient dix pour cent de leurs revenus, auxquels s'ajoutaient de nombreux dons "spontanés". Officiellement, une majeure partie de cet argent était destiné à la construction de l'ambassade intergalactique, le reste servait aux plaisirs et aux distractions du "Maître des Maîtres".

Morillon exigeait aussi une vénération sans borne de sa personne, en effet, étant l’interlocuteur privilégié des extraterrestres, leur Élu, leur Intendant, une sorte de Messie, il avait droit à de nombreux égards et privilèges. C'était peut être un an ou deux après la création de son mouvement qu'il s’était attribué le titre de "Maître des Maîtres", et c’était ainsi qu’il convenait de s’adresser à lui désormais.
Ses conférences étaient de véritables spectacles, avec une mise en scène délirante digne d’une convention de Science-Fiction ; le rideau s'ouvrait sur la reproduction "grandeur nature" d’une soucoupe volante en bois recouverte d'aluminium et il en descendait vêtu de sa combinaison d’astronaute blanche, avec l'étoile de David insérée dans un triangle brodée sur la poitrine.
Il avait maintenant une soixantaine d’années, mais il paraissait plus jeune. Il était grand, maigre, avec de longs cheveux noirs attachés en catogan derrière la nuque et un collier de barbe finement taillé. Il était toujours radieux et souriant, son arrivée était accueillie par des applaudissements et des acclamations dignes d'une Rock-star.
Il était très difficile de prendre un tel personnage au sérieux, pourtant, il était devenu influent dans certains milieux, notamment celui des affaires.

Sa secte, finançait des recherches dans divers domaines, notamment sur le clonage humain, envers et contre toute considération éthique. Selon la foi isarienne, il serait un jour possible de réaliser une copie génétiquement identique d'un autre être humain, puis d’accélérer la maturation du clone, le faisant passer du stade de nouveau né à celui d’adulte en quelques jours, voire quelques heures, afin d'y transférer la mémoire et la personnalité de l'individu original, comme cela c'était fait pour Moïse, Jésus, Mohammed et Bouddha qu'il avait rencontrés lors de son séjour sur le monde des extraterrestres.

D'ailleurs, les disciples de Morillon avaient tous signé un contrat où ils léguaient un centimètre carré de leur os frontal à la secte après leur mort, afin d'être ressuscités par cette technique dans un avenir plus ou moins proche.

Il connut nombre d'échecs dans ce domaine, le plus désastreux de tous, ce fut l'annonce de la naissance d'un bébé cloné, mais il s'avéra qu'il s'était avancé un peu trop vite, car le bébé en question n'avait même pas été conçu.

L'affaire du bébé cloné, que Ménuin avait détaillée dans ses reportages, lui attira les sarcasmes du monde entier dans les médias et sur internet, cela aurait pu porter un coup fatal à sa crédibilité, mais Morillon n'était pas homme à se laisser abattre par ce genre de déconvenue, il ne cessa d'aller de l'avant et sa secte gagnait chaque jour plus d'adeptes en dépit des nombreuses critiques auxquelles il prêtait le flanc.

Il laissa le délicat sujet du clonage de côté quelques temps pour se consacrer à la construction de son ambassade interstellaire, car, selon lui, les extraterrestres ne tarderaient plus à revenir et se révéler à l’humanité.

 


Initialement, il était prévu de la bâtir en Israël, où, selon lui, les extraterrestres s’étaient beaucoup manifestés dans les temps bibliques, mais le gouvernement israélien n’avait pas accueilli pas l’idée avec l’enthousiasme escompté.
Qu’à cela ne tienne ; Morillon avait expliqué la situation à ses amis célestes qui étaient très compréhensifs, ils lui avaient alors permis de construire l’ambassade interstellaire là où il habitait : au Québec.
Dans les Laurentides, au nord de la province, il avait acheté un immense terrain de nature sauvage à bon prix et fait déboiser des centaines d'hectares pour construire des bâtiments aux lignes futuristes et une piste d’atterrissage circulaire pour les soucoupes volantes.

Cette ambassade, faute d'abriter des extraterrestres, lui servait de forteresse où il avait installé ses quartiers, ses accès étaient gardés par une sorte d'armée privée comme la frontière d'un état.

Tout cela avait coûté une fortune, mais l'église disposait d'excellents comptables sachant étaler les dépenses.
Morillon était un homme intelligent et cultivé doté d’une imagination fertile. Pour ses nombreux détracteurs, il avait trouvé le moyen de s’enrichir grâce à la naïveté humaine en faisant croire qu'il était l'élu des extraterrestres. Les gens raisonnables le considéraient comme un vulgaire affabulateur, seulement, personne ne prévoyait l'éventualité que de véritables extraterrestres s’intéressent à lui.

 


<< Sommaire - Chapitre 2 >>

 

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14 novembre 2016 1 14 /11 /novembre /2016 08:41

 

Si vous prenez la peine de lire ne fut-ce que le début de cette histoire, et que vous avez un peu de culture générale, vous verrez tout de suite qu'elle est inspirée par celle de la secte des raéliens et de Raël alias Claude Vorhilon qui en est le fondateur.

Tout le monde connait à peu près ses théories ; la vie a été créée sur la terre par des extraterrestres et ils vont bientôt revenir pour amener un nouvel âge d'or. Voici ce qu'en dit Wikipédia :

La croyance raélienne se fonde entièrement et uniquement sur le témoignage d'une rencontre de Claude Vorilhon avec des extraterrestres en 1973 puis en 1975. Sur la base de ces rencontres hypothétiques et des informations qu'il aurait obtenues à ces occasions, Claude Vorilhon développe une doctrine qui sera celle du mouvement raélien. Il présente ce mouvement comme une religion athée (les raéliens croient qu'il n'y a pas de Dieu et pas d'âme) pour laquelle le développement de la science serait une des clés essentielles pour l'amélioration du sort d'une humanité promise à l'âge d'or et à la vie éternelle au moyen du clonage.

J'ai quand même changé le nom du personnage, Claude Vorilhon est devenu Etienne Morillon, Raël, Isar, les isariens sont les raéliens, "le livre qui dit la vérité", le premier livre de Vorilhon, ouvrage de référence de la secte est devenu "la vérité absolue", les extraterrestres de Raël s'appellent les "Elohim", ceux d'Isar les "Séraphim", ce ne sont pas liliputiens comme ceux de Vorilhon, ils ont notre taille et nous ressemblent beaucoup, ils sont plus ou moins inspirés du personnage d'Ashtar Sheran, un extraterrestre qui, depuis les années cinquante, entretient des conversations télépathiques avec quelques élus de notre monde, il fait lui aussi l'objet d'un culte néo-évhémériste des ovnis façon Raël, mais bien que plus ancien, il est moins connu.

 

Le "Commandant" Ashtar Sheran

 

Je n'ai aucun à priori contre Claude Vorilhon, je ne le connais pas dut tout, je ne l'ai jamais rencontré, tout ce que je sais de lui, c'est par des bouquins et les médias, il ne m'inspire ni hostilité ni sympathie particulières, il a été impliqué dans des histoires un peu sordides ; détournement de mineur, voire pédophilie, supercherie scientifique comme l'affaire du bébé cloné, fraudes diverses, éléments de la réalité que je reprends dans mon histoire.

J'avoue que le personnage de Claude Vorhilon m'a toujours intrigué, même si je ne le prends pas au sérieux, mais en lisant les articles le concernant et en écoutant ses conférences sur YouTube, une idée a germé ; comme il prétend être le porte-parole d'une race extraterrestre, je me suis demandé comment il réagirait si de véritables extraterrestres se présentaient à lui. J'imaginais aussi que ces extraterrestres avaient de mauvaises intentions et décidaient d'utiliser sa secte pour envahir la terre, je me suis dit que çà pourrait faire une bonne histoire de science-fiction.

Je l'ai émaillée de références et de clins d'œil à la culture populaire qui n'échapperont pas aux amateurs de science-fiction et de comics ; les envahisseurs, V ou Star Trek.
Cette histoire, je l'ai écrite et je vous la livre, avec tous ses défauts et ses imperfections, cependant, j'espère qu'elle vous distraira.

 

Chapitre 1

 

Chapitre 2

 

Chapitre 3

 

Chapitre 4

 

Chapitre 5

 

Chapitre 6

 

 

 

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24 octobre 2016 1 24 /10 /octobre /2016 07:06

Catholicus reprit douloureusement connaissance, il était allongé sur le ventre, il se leva péniblement, ses mains s'enfonçaient dans du sable mouillé tandis qu'il s'appuyait sur ses bras. En redressant la tête, il vit un ciel bleu parsemé de nuages blancs, au loin, le cri familier des mouettes résonnait dans la brise salée.
Manifestement, ils n'étaient plus dans les cieux, mais bel et bien sur la Terre.

 

 

Comment étaient ils revenus ? Ils ne le sauraient jamais. En se relevant, il aperçut un peu plus loin l'épave du Dame de Beaujeu, tout autour, des passagers qui avaient, comme lui, été éjectés par le choc gisaient dans le sable mêlé d'eau.
Beaucoup étaient morts, à première vue, ils n'étaient que trois survivants qui s'étaient spontanément regroupés, Maître Marcotin, Dernancourt qui serrait son manuscrit et le journal de bord du capitaine contre sa poitrine et lui-même.
Catholicus se précipita à l'intérieur de l'épave et se mit à chercher d'autres victimes, mortes ou vivantes. Il finit par trouver celle qu'il cherchait en particulier ; Janice avec une caisse en travers de la poitrine qui l'avait écrasée dans sa chute. Il dégagea la caisse et prit la femme dans ses bras, elle n'était pas morte, elle respirait légèrement, du sang sortait de sa bouche et son pouls était faible.
Il la souleva délicatement et sortit du navire alors qu'une sinistre lueur verdâtre commençait à se répandre.
"L'œuf philosophal !" pensa-t-il en un éclair.
Il se mit à courir en serrant Janice contre lui et cria aux autres :
"Éloignez vous, çà va exploser !"
Ils eurent à peine le temps de fuir que le souffle d'une gigantesque explosion les jeta à terre.

 


Quand le calme fut revenu et qu'ils se relevèrent, à l'emplacement du Dame de Beaujeu il n'y avait plus qu'un cratère d'où se dégageait une épaisse fumée noire.
"Heureusement," dit Dernancourt, "j'ai réussi à sauvegarder nos témoignages écrits et les plans du navire, nous pourrons raconter au monde ce que nous avons vu."
Absolvus, qui avait protégé Janice de son corps au moment de l'explosion, l'allongea sur le sable, il retira sa veste, la roula en boule et la plaça sous sa tête. En lui caressant doucement le visage, il l'appela :
"Janice, de grâce, réveillez vous, ne mourrez pas, je vous en supplie !"
Janice entrouvrit les paupières sur ses yeux rougis, du sang se mit à couler de son nez et du coin de sa bouche, son teint était grisâtre, elle n'en avait plus pour longtemps, c'était manifeste, Marcotin n'avait nul besoin de l'ausculter pour le confirmer.
Elle sourit en voyant Catholicus, elle trouva assez de force pour lever la main et lui caresser la joue.
"Théodorus," lui dit elle d'une voix faible, "je... je suis très honorée de vous avoir connu."
"Mais vous me connaîtrez encore !" répliqua Catholicus, avec des larmes qui commençaient à brouiller sa vue, sa gorge le serrait, çà lui faisait mal de parler : "vous allez survivre, Janice, et je vous emmènerai chez moi, à Chinon, vous serez traitée comme une reine."
Elle lui saisit une mèche de cheveux pour l'obliger à se pencher et l'embrassa.

 


"Adieu, Capitaine." lui murmura-t-elle avant que ses yeux ne se ferment et que sa tête ne retombe.
"Janice ! Janice !" se mit à hurler Catholicus, il sentait une douleur insupportable à l'idée de la perdre, "Maître Marcotin, faites donc quelque chose !"
Le médecin tâta le pouls de la jeune femme, puis il se tourna vers le capitaine et le regarda tristement. Catholicus fondit en larmes en serrant le corps sans vie contre lui.
Ainsi se termine ce récit, du moins, est-ce tout ce que l'on est parvenu à sauver, il se poursuit pendant quelques dizaines de pages encore dans le manuscrit de Dernancourt, mais elles sont totalement illisibles.
On ne saura jamais ce que firent le Capitaine Catholicus et ses compagnons après cet épisode, Les seuls mots que l'on a pu déchiffrer à la dernière ligne sont :


"...de larmes et de sang..."

 

<< Chapitre 11 - Table des matières >>

 

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23 octobre 2016 7 23 /10 /octobre /2016 08:04

Lentement, une silhouette monta au dessus des vagues, elle était aussi brillante que les flots qui l'entouraient, mais elle s'en distinguait par son immobilité. Quand elle émergea, elle eut d'abord l'aspect d'un rocher, puis celui d'une île et celui d'un continent avant de se redresser, révélant le cou et la tête d'un dragon géant. La bête fantastique ouvrit largement ses mâchoires et poussa un rugissement assourdissant, dont les vibrations manquèrent de démonter la charpente du vaisseau.

 


"Ouroboros !" s'écria Maximien avec effroi,  "le Serpent Fuyard, le Serpent Tortueux, le Dragon qui habite la mer, il ne devait pas s'éveiller avant la Fin des Temps, qu'avez vous fait, Centurion ?"
D'un air hébété, Absolvus contemplait l'extraordinaire créature.
"En arrière toute !" ordonna Catholicus à son équipage.
Le navire était secoué dans tous les sens, on n'avait pu replier les ailes qui commençaient à se déchirer, les voiles partaient en lambeaux, quant au gouvernail et à la voile ventrale, ils furent arrachés en un rien de temps. Le Dame de Beaujeu n'était plus qu'une épave à la merci des éléments cosmiques.
"Je vais l'occuper pour vous laisser le temps de fuir, je le mettrai en colère, et quand il m'aura tué, il se calmera et retournera à son sommeil, l'univers sera sauf. " déclara Absolvus. Il monta sur la rambarde, s'apprêtant à sauter, quand un hénissement familier attira son attention ; c'était Mérandar qui accourait derrière lui.
"Non, mon ami, tu ne m'accompagneras pas dans cette dernière bataille. Je veux que tu sauves ta vie, pars avec les autres, c'est moi qui ai commis une faute en réveillant Ouroboros de son sommeil éternel, je dois maintenant la réparer seul."
Le cheval protesta en un furieux hénissement et attira son Centurion avec son aile.
"Bien," lui dit Absolvus, "puisque telle est ta volonté..."
Il sauta sur son dos et en dégainant son glaive, il s'écria :
"Hardi, vaillant camarade !"
Mérandar se cabra fièrement avant de s'élancer vers le monstrueux dragon. Avec un cri guerrier des plus menaçants, Absolvus fit tournoyer son glaive en traçant des cercles de feu dans l'air.
La bête tourna sa tête grosse comme une montagne et ouvrit largement ses mâchoires pour pousser un rugissement sauvage, le cavalier et sa monture furent ralentis par le souffle qu'il émit, mais ils continuèrent à avancer.
"À moi, Ouroboros, Serpent de Midgard, Léviathan de l'Abîme !" lui cria-t-il, "c'est moi qui t'ai tiré de ton sommeil, mais tu vas promptement te rendormir pour les mille ans à venir !"
Le dragon poussa un nouveau rugissement qui manqua de le désarçonner, mais il s'accrocha à l'encolure de Mérandar.
"Tiens bon, mon ami," lui dit il, "approche toi suffisamment pour que je puisse l'atteindre."
Le cheval ailé manœuvra habilement, il contourna la tête du dragon et s'approcha de sa nuque. Absolvus engagea une flèche dans son arc et la tira à la base du crâne ; à l'impact une explosion se produisit qui n'entama pas la cuirasse du monstre mais lui fit assez mal pour le mettre en colère.
Mérandar tourna autour de lui comme une mouche tandis qu'Absolvus lui tirait des flèches sur le dos et dans le flanc, à chaque fois, une explosion spectaculaire se produisait et semblait affecter légèrement la créature. Quand il n'eut plus de flèche, il jeta son arc et son carquois dans le vide et dit à l'oreille du cheval ailé :
"Approche toi encore un peu, s'il te plait."
L'animal obéit, alors Absolvus dégaina son glaive et lui cria :
"Sauve toi !"

 


Puis il se mit debout sur la selle et sauta sur le dragon. Le cheval ailé poussa un hennissement de protestation et plongea pour rejoindre son Centurion dans une mort glorieuse.
L'équipage manœuvra tant bien que mal avec les voiles et les ailes pour s'éloigner de ce pandaemonium. Seulement, la bataille propageait des vagues d'étoiles et des déplacements d'air dans lesquelles il était quasiment impossible de suivre une trajectoire stable, et surtout de rester à flots.
Si le bateau coulait, il s'enfoncerait dans les profondeurs de la Voie Lactée et les passagers périraient noyés dans cet océan d'étoiles. Ils parvinrent à s'éloigner du combat, mais une gigantesque vague se souleva à l'avant et retomba sur eux.

 

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Les Contes De Wolfram

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