La folie et la raison jouent à la balle avec moi, le rationnel et l’irrationnel s’enchevêtrent. On ne peut s’imaginer la folie rien qu’en la simulant. On ne peut s’imaginer la cécité rien qu’en fermant les yeux. On ne peut s’imaginer la surdité rien qu’en se bouchant les oreilles.
La vraie folie n’est pas spectaculaire.
La folie est blanche comme la lumière, la folie est lumière. La raison est obscurité, et l’on y cache tout ce que l’on ne veut pas voir.
Le monde, c’est un œil tout blanc qui me regarde.
Lorsque le néant nous cerne de toutes part et qu’on se retourne sans cesse, cherchant désespérément un réconfort, le temps de l’espoir est passé, la peur de vivre prend le pas sur la peur de mourir. Vivement la fin du monde ! Vivement l’anéantissement, vivement la destruction !
Maudits soient ces temps, maudit soit ce siècle où la peur sourdoie.
Ah, si je pouvais sombrer dans une psychose bienfaisante, elle me ferait vivre dans un monde idéal, peuplé de douces hallucinations et de mes aspirations les plus profondes. Un monde qui n’existerait que pour moi, pendant que je serais inconscient et insensible au monde réel. Que je fusse je enfermé dans une cellule capitonnée, emmailloté dans une camisole de force, cela n’aurait aucune importance, puisque je ne m’en apercevrais pas. Un monde imaginaire où je ne percevrais plus rien du réel, et où je resterais jusqu’à ma mort !…
Les mains sont des pieds
Et les pieds sont des mains
Au secours !
Attrapez moi cette folie
Et ramenez la à son panier !
Nous ne devons jamais pardonner la société pour le mal qu’elle nous fait. Il faut se dire qu’un jour, elle sera punie et que nous serons vengés. Il n’y a que cette idée qui nous rendra forts et nous fera tenir bon.
La société a quelque chose à expier, si ce n’était le cas, il n’y aurait pas de crimes.
Une société, quelle qu’elle soit, est forcément corrompue. Elle génère forcément l’injustice et la frustration. Sa justice génère forcément l’injustice.
Dans une société où règnerait pour de vrai la justice, personne n’aurait jamais le moindre remord, on aurait constamment bonne conscience ; celle de ne jamais léser personne, celle de bien agir en tout temps et en tout lieu.
Notre justice est-elle si reluisante qu’on lui bâtisse des palais ?
Pourquoi refusons-nous d’assumer nos erreurs ? Pourquoi sommes-nous si peu responsables ? Ce ne sont pourtant pas les capacités qui nous manquent, nous ne sommes pourtant pas privés de raison ni de bon sens.
Pourquoi attendre qu’un seul homme se charge des fautes de tous les autres ? Pourquoi compter sur un messie qui est au ciel pour réparer nos erreurs ? Au ciel il n’y a personne, et aucun messie ne viendra. Quand bien même il viendrait qu’il ne pourrait rien pour nous.
Que l’on conçoive l’existence d’un Dieu, cela se comprend, mais qu’on lui fasse endosser les conséquences de nos actes, cela a quelque chose de puéril.
Combien de croix sont-ils prêts à porter, jusqu’à combien de Mecque sont-ils capables de marcher pour rencontrer un Dieu absent et silencieux qui ne semble pas leur porter la moindre attention ?
Mon messie, ce sera celui qui détruira cette société. Mon rédempteur, celui qui mettra fin au Système.
Le Jugement Dernier, est ce le nom que l’on donne à un examen de conscience collectif qui surviendra un jour ? Peut être avons nous déjà été jugés. Jugés pour des actes depuis longtemps oubliés. Peut être purgeons-nous une peine pour des fautes passées, des fautes à jamais enfuies de nos mémoires.
La vie ne serait-elle qu’une punition ? Bien qu’elle ressemble fort à une récompense pour certains.
J’étais en guerre contre le système dans ma jeunesse, je le resterai jusqu’à ma mort. Je transporte constamment une haine violente en moi. Haine de la société, des dirigeants, des dirigés et du Système en général. J’en éprouve une amertume infinie qui me fait souffrir comme une plaie infectée. J’ai tant de haine en moi, tant de haine qui risque d’exploser à chaque instant, et que je contiens difficilement.
La société, pourquoi m’a t elle toujours inspiré cette haine viscérale ? Comme si mon instinct me commandait de la haïr.
Tout jeune, je haïssais la société sans bien savoir pourquoi. Mais confusément, je sentais qu’il y avait quelque chose en elle de mauvais. En vieillissant, je me suis aperçu que j’avais toutes les raisons de la haïr.
Tous ceux qui l’ont haïe avant moi avaient, eux aussi, de bonnes raisons. Sa réputation de salope n’est pas usurpée. Elle nous attend dès notre enfance sur le seuil de notre maison, elle nous agresse à la maternelle dans les cours de récréation, sur les bancs de l’école, puis dans la vie d’adulte, constamment, sans jamais se fatiguer, jusqu’à ce que nous tombions d’épuisement.
Ceux qui l’ont combattue ne l’ont peut être pas vaincue, mais ils lui ont infligé, en leur temps, de douloureuses blessures avant de succomber. Certes, elle est quasiment invulnérable, et ses plaies se sont toujours guéries. Mais il reste l’espoir que tous ses ennemis se dressent un jour en masse contre elle, l’assaillent comme nos ancêtres assaillaient un mammouth et la fassent s’effondrer.
Punk Attitude
Qu’il est épuisant, pour l’esprit, de sans cesse mesurer le monde à l’aune de l’infini.
Me voici comme « Le Malin » de John Huston ; seul pasteur et seul membre d’une église sans le Christ. Sans le Christ et sans Dieu.
J’ai reçu un évangile qu’il m’est impossible de transmettre. Il m’est impossible d’y convertir quiconque. Il m’est impossible de décrire comment l’infini se manifeste à moi quand je contemple les étoiles. Il m’est impossible d’évoquer ce vertige qui me saisit.
Je n’ai aucune foi, aucune conviction où me raccrocher quand je suis à la dérive. Je ne saurais accorder un crédit exclusif à aucune religion ni aucune doctrine particulière.
Les religions, j'avoue ne jamais les avoir prises tellement au sérieux ; elles m'ont toujours donné l'impression de faire des simagrées au vent.
J’aurais aimé avoir la foi, en Dieu ou en des lendemains qui chantent, j’aimerais en avoir la capacité, mais je ne peux m’empêcher de douter de tout, même de ma propre existence. Et le fait de penser ne constitue pas, pour moi, la preuve que je suis. Je pense, mais çà ne prouve pas que je suis.
Pourtant, dans ce bouillonnement de légendes, de superstitions et de certitudes plus ou moins erronées que m’a légué mon éducation, une écume d’éléments remonte à la surface et constitue, pour moi, ce qui se rapproche le plus d’une foi religieuse. Est ce la religion naturelle chère aux philosophes des Lumières ? Si j’essayais d’établir un bilan de mes croyances, ma profession de foi ressemblerait à ceci :
· Je confesse mon ignorance quant à l’origine de la vie et à sa finalité.
· Je crois au Big-Bang initial qui dispersa les corps dans l’univers.
· Je crois en l’évolution des espèces, et qu’elles dérivent les unes des autres.
· Je crois en la relativité du temps et de l’espace.
· Je crois en la recherche, je crois en la découverte.
· Je crois en la science.
· Je crois en la raison.
La paranoïa, cet incessant calcul de probabilités. La paranoïa, la compagne des solitaires. La paranoïa, plus cartésienne que le cartésianisme, son raisonnement bouscule la raison.
Un paranoïaque est un coupable absolu
Heureusement que je suis paranoïaque, si je ne l’étais pas, je ne penserais pas à fermer ma porte à clefs, et j’appréhenderais toujours que quelqu’un entre. Je n’oserais plus sortir, je ne verrais plus personne, parce que je soupçonnerais tout le monde de profiter de ce que je ne me méfie pas pour me nuire.
Pierrot était un orphelin, enfant chétif et sensible. Il était gentil, mais tout le monde le trouvait un peu trop rêveur. Colombine était une jeune bergère, fille d’un berger et d’une bergère, qui menaient une vie austère pleine de moralité.
Pierrot et Colombine s’aimaient, mais les parents de Colombine voyaient cet amour d’un mauvais œil. « Ce garçon n’est pas sérieux. » disaient ils à leur fille, ils auraient préféré qu’elle tombe amoureuse d’un fils de fermier, avec qui il y aurait plus d’avenir. Quant à Pierrot, ses tuteurs et ses tutrices lui disaient que Colombine était trop bien pour lui.
Mais ces deux enfants n’écoutaient pas la voix de la raison, ils se retrouvaient en secret le soir, et Pierrot racontait de merveilleuses histoires à Colombine. C’est pour cela qu’elle l'aimait, d’ailleurs, peu lui importait qu’il fut riche ou pas, viril ou non, il la faisait rêver, c’était tout ce qui comptait.
Pierrot racontait souvent des histoires sur la Lune, il en parlait comme s’il y avait été, et Colombine l’écoutait des heures durant, les yeux émerveillés. Les soirs de pleine lune, il lui montrait des endroits de l’astre et lui décrivait ce qui s’y trouvait : « Tu vois cette tâche sombre ? C’est la Mer de la Tranquillité, dedans, il y a des sirènes qui y vivent, et qui chantent à longueur de journée. En haut, il y a des prairies ensoleillées couvertes de fleurs multicolores, que butinent les abeilles, les papillons, et où s’ébattent les cabris et les lapins. À droite, sur le bord de la Mer, il y a une ville peuplée d’hommes et de femmes ailés aux plumes blanches comme celles des cygnes, il se promènent en planant dans le ciel de la Lune, ils vivent tous dans la paix et la sérénité.
Sur l’autre rive de la Mer, il y a une forêt enchantée, où vivent des créatures fabuleuses comme des licornes, des griffons, des centaures, des dragons, ainsi que elfes, des farfadets et des fées. Tout en bas, il y a le palais du Roi de la Lune, bâti avec des blocs de diamants. »
Et ainsi de suite des nuits durant, et Colombine ne cessait de l’écouter, ayant foi en chacune de ses paroles, elle admirait son Pierrot qui savait tant de choses.
Un jour, les parents de Colombine décidèrent de lui faire épouser le fils d’un éleveur de la région, qui était riche et influent. Ils estimaient qu’il était plus digne d’elle que ce bon à rien de Pierrot, le mariage allait avoir lieu imminemment, dans les deux ou trois semaines à venir.
Colombine était désespérée, elle aurait voulu mourir. Le soir, elle retrouva Pierrot comme d’habitude et lui annonça la terrible nouvelle en sanglotant.
Pierrot garda son calme, et en la serrant contre lui, il lui dit :
« N’aie pas peur, ma douce Colombine, nous allons nous enfuir tous les deux, et on ne nous retrouvera jamais. »
« Où allons nous aller ? » demanda Colombine.
En réponse, Pierrot leva le doigt vers la Lune.
« La Lune ? » S’écria Colombine. « Comment allons nous y aller ? »
« L’Enchanteur Merlin m’emploie comme homme à tout faire, c’est moi qui nettoie son laboratoire et ses instruments. J’ai aussi accès à sa bibliothèque, quand il n’est pas là, il m’arrive de lire les ouvrages interdits, et j’en connais un qui pourra nous être utile. Retrouvons nous ici demain soir. »
« Où allons nous aller ? » demanda Colombine.
En réponse, Pierrot leva le doigt vers la Lune.
« La Lune ? » S’écria Colombine. « Comment allons nous y aller ? »
« L’Enchanteur Merlin m’emploie comme homme à tout faire, c’est moi qui nettoie son laboratoire et ses instruments. J’ai aussi accès à sa bibliothèque, quand il n’est pas là, il m’arrive de lire les ouvrages interdits, et j’en connais un qui pourra nous être utile. Retrouvons nous ici demain soir. »
« Verrons nous les hommes et les femmes ailés ? » demanda Colombine.
« Bien sûr que nous les verrons ! » répondit Pierrot en lui prenant la tête entre les mains, « nous rencontrerons aussi le Roi de la Lune, dans son palais bâti avec des blocs de diamants. Et nous visiterons la Lune en chevauchant des licornes. » Ajouta-t-il. Colombine lui sourit et lui dit :
« Vas y ! »
Pierrot traça une figure ésotérique sur le sol, il se plaça au centre avec Colombine en la tenant par la main, et il lut une longue incantation en latin dans le livre. Alors le vent se leva, soufflant doucement au début, puis de plus en plus fort, jusqu’à devenir violent. Il s’enroula autour de Pierrot et Colombine, et ils disparurent tous deux dans un éclair. Puis le vent retomba soudainement, et le calme revint dans la campagne.
Un instant plus tard, grâce à l’incantation du grimoire de Merlin, Pierrot et Colombine se matérialisèrent sur la Lune. Mais la Lune n’était pas ce paradis dont-ils avaient rêvé pendant tant de nuits, ils ne trouvèrent pas les prairies ensoleillées couvertes de fleurs multicolores ni la forêt peuplée d’animaux fabuleux, ni le lac où s’ébattaient les sirènes, ni la cité fantastique peuplée d’hommes et de femmes ailés, ni le palais du roi bâti avec des blocs de diamant.
À la place, il n’y avait qu’une étendue déserte à perte de vue, pas une seule fleur, pas un seul arbre, seulement une poussière grisâtre et des rochers nus.
Pierrot et Colombine n’eurent pas le temps de s’en rendre compte, car ils moururent instantanément par le manque d’atmosphère, le vide et le froid de l’espace les momifièrent en quelques secondes, déshydratant complètement leur corps, et leurs visages d’enfants si doux n’étaient plus que de hideux masques mortuaires.
Ainsi périrent Pierrot et Colombine, assassinés par une cruelle réalité.